24 avril 2011

Quelques gouttes


 En quittant les plages de Dahab j'avais déjà commencé à ressentir les symptômes qui m'annoncent immanquablement un court séjour sur la table d'opération du gastro-entérologue le plus proche. Quand je suis descendu dans la vallée de Nueïba, pour trouver un petit coin tranquille pour passer la nuit, avant de m'embarquer sur le traversier qui me déposerait à Aqaba, en Jordanie, j'étais loin d'imaginer trouver le havre de paix sur lequel je me suis échoué un peu. Nueïba est située complètement au bout de l'Égypte, comme dans mon guide Lonely Planet. Les hôtels et campements bédouins sont aussi situés complètement au bout de la pointe de sable, à une dizaine de kilomètres du village.
 J'ai d'abord cru que l'hôtel était fermé tellement il n'y avait personne. Puis j'ai fait la connaissance d'Hassan, un égyptien fier, sympathique, aguerrit au service touristique, mais en exil loin du Caire et de sa famille pour raisons d'affluence. Disons plutôt absence d'affluence...Nueïba est LA porte d'entrée/sortie entre l'Égypte et la Jordanie pour tous ceux qui veulent éviter de transiter par Israël : quand on a un tampon israélien dans son passeport on se voit refuser l'entrée d'une grande majorité de pays musulmans. Alors on prend le traversier à Nueïba qui nous mène à Aqaba sur les eaux du golfe du même nom.
Je me suis dit qu'en patientant un peu la douleur s'estomperait assez pour me permettre ensuite d’entreprendre la petite traversée maritime, environ 80 kilomètres, mais qui nécessite tout de même trois heures en temps normal. J'ai fini par passer trois jours à Nueïba, un peu à la manière d'un rastaquouère dans un roman de Marguerite Duras, à lire, écrire et dormir dans cet endroit désert, voir idyllique, n'eut été du fait que j'étais seul et souffrant. Au bout de trois jours je devais me rendre à l'évidence et admettre que seul un toubib pouvait me soulager et je partis donc effectuer cette mini-croisière qui me mena à Aqaba.
 Le passage des formalités égyptiennes de sortie a été pratiquement aussi long et fastidieux que l'entrée au pays deux mois plus tôt, chacun des intervenants prélevant une petite somme pour le « service ».

 La « ride » de bateau n'a effectivement nécessité que trois heures, mais il a fallut encore plus de deux heures, une fois arrivé, pour sortir du satané bateau et pouvoir finalement passer par les formalités jordaniennes, beaucoup plus simples et efficaces celles-là. Tout ça aura nécessité un journée complète et je n'avais parcouru que 80 kilomètres! Je suis allé directement à l'hôtel en espérant pouvoir dormir quelques heures avant de me présenter à l'hôpital.
 Je n'avais pas encore pris le temps d'imprimer la traduction anglaise de mon dossier médical et j'ai donc dû faire lire le document à trois médecins/officiers directement à l'écran de mon ordinateur. J'ai été admis sur le champs et on m'a confortablement installé dans une chambre presque privée. L'hôpital est administré par les militaires. J'ai eu tôt fait de recevoir de fréquentes visites de tout le personnel de l'étage réservé aux hommes. Même le responsable de la sécurité est venu se présenter à moi et m'a gentiment permis d'utiliser la connexion internet wifi. J'ai donc subi ma petite intervention le soir même à 21h. Et ce n'est qu'à 11h le lendemain qu'ils ont consenti à me laisser partir, le tout pour une somme dérisoire. J'étais de nouveau prêt à repartir autrement...

Ma destination suivante est un incontournable : Pétra est aujourd'hui considéré comme la septième merveille du monde et je dois vous avouer que j'aurais même tendance à la placée avant la septième position. J'ai, en fait, beaucoup plus apprécié ce site que les grandes pyramides. On traverse d'abord un canyon long de deux kilomètres avant de déboucher sur une vallée, sculptée par la main des hommes il y a des milliers d'années, d'une beauté phénoménale.
La vallée est immense (cinq ou six kilomètres quand on la parcours dans tous les sens) et il faut absolument gravir (et redescendre) les huit cent trente-six marches pour aller admirer le monastère situé sur le sommet de la montagne : une vue à couper le souffle! J'ai passé deux jours dans la région et j'y ai fais des découvertes très agréables, des balades à moto mémorables. Parmi les cars de touristes très nombreux qui déversent leur flot de visiteurs de partout à travers le monde, sont débarqué deux petites familles de cousins(es) français(es) avec qui j'ai partagé l'appréciable sauna/hammam/massage offert par l'hôtel. J'ai continué, le jour suivant, d'emprunter le « chemin du roi » qui mène jusqu'à Amman, où je suis stationné depuis maintenant sept jours. 

La Jordanie n'est pas un très grand pays et je peux aisément en explorer divers coins en partant à moto le matin et y revenir avant la tombée du soir. C'est ainsi que j'ai fait la rencontre d'Aurelius. Sur la route de Jerash, une moto EXACTEMENT pareille à ma Marseillaise, vient se coller à ma hauteur et le conducteur me fait des « babyes ». Comme il ne peut qu'arriver de la Syrie puisque nous n'en sommes qu'à quelques kilomètres, l'envie me prend de lui poser quelques questions et, pourquoi pas, partager un petit goûter entre motards ayant bon goût. 
Aurelius est Suisse et c'est son premier voyage à moto; il est sur la route pour deux mois. Aurelius avait l'intention de passer la nuit à Jerash, mais le site ne prend que deux heures à visiter et le prix des deux hôtels du village est prohibitif. Je lui ai suggéré de rentrer avec moi à Amman qui est somme toute une ville relativement tranquille. La prochaine étape d'Aurelius était Pétra. Je l'ai invité à passer une journée de plus à Amman et nous en avons profité pour se faire une randonnée magnifique dans la vallée du Jourdain et le long de la Mer Morte. Nous sommes revenu à Amman en passant par le château de Karak. De la Mer Morte jusqu'à Karak il n'y a qu'une vingtaine de kilomètres, mais la Mer Morte est située à 400m en-dessous du niveau de la mer et Karak à 1000m au-dessus. Il faisait 27°C en bord de mer et 12°C près des remparts du château! Un chance que j'avais ma p'tite laine! Sur la route du retour une petite averse m'a rappelé que je n'avais pas reçu une seule goutte de pluie depuis trois mois et que les paysages verdoyants faisaient une agréable différence d'avec les étendues désertiques des derniers mois.

Aurélius est parti à Pétra et moi je vais tenter de traverser la Syrie demain. Les évènements dans ce pays m'incitent à ne pas souhaiter trop m'y attarder même si, en d'autres temps, cette contrée mérite de la découvrir. J'aurai ainsi assisté à la majorité des révolutions arabes et j'attends d'en être sorti complètement pour vous faire part de mes réflexions avec un peu plus de recul.

Je ne vous dirai jamais assez combien j'apprécie un petit mot ou un commentaire de votre part. Chaque fois que vous prenez le temps de m'écrire un petit quelque chose, c'est un peu comme si je recevais de votre part un immense cadeau qui me remplit de joie. Alors si en lisant mon récit vous avez sourit, vous pouvez me rendre la pareil simplement en m'écrivant un simple « bonjour Capitaine!».

07 avril 2011

Décompression totale


 En traversant le désert de l'est, je n'avais pas idée de la profonde différence qui scinde l'Égypte et les habitants de ces deux univers que sont les rives du Nil et les côtes de la mer, Méditerrané au nord, Rouge à l'est. Bien que l'Égypte soit presqu'entièrement désertique, toute l'activité tourne autour de l'eau : les oasis dans le désert profond, le Nil qui traverse le pays, la Méditerrané et la mer Rouge pourtant d'un bleu invitant. Les bédouins sont les habitants et les maîtres du désert. Pour le reste les égyptiens s'en chargent plus ou moins heureusement.

J'avais à peine commencé à savourer l'extase contemplative que procure l'environnement sous-marin, que je faisais la connaissance d'un petit groupe de sympathiques cousins francophones avec qui j'ai eu vite fait de m'acoquiner afin de partager notre passion commune pour la plongée. Parmi ce groupe il y avait cette gente dame pour qui j'ai éprouvé autre chose que de la franche camaraderie. Disons le franchement, j'ai vivement été atteint par l'ardeur du soleil et la chaleur torride qui a régné sur cette plage magnifique, plantée de confortables tentes, qui invitaient à tous les plaisirs, sans rien sacrifier à ma discipline spirituelle. J'ai donc prolongé mon séjour autant que possible, me laissant envahir langoureusement par la tendresse et autres biens-êtres subaquatiques.
Je me suis aussi délecté de nos balades à moto au coucher du soleil, pour aller prendre un thé à la menthe dans le village de Marsa Alam. Nous y avons partagé grands et petits secrets, invitant à de plus ludiques confessions.
Je laisse votre imagination faire le reste de mon travail, mais je vous assure qu'il y avais fort longtemps que je n'avais pas été aussi épuisé: tous ces poissons à contempler!
En quittant Shagra, j'avais un sacré bout de chemin à parcourir pour me rendre là où je le souhaitais. La route qui longe la mer Rouge sur les côtes d'Égypte est un interminable défilé d'hôtels et de resorts, tous à divers stade de complétion, certains ayant même plutôt l'aspect d'abandon que de construction. Cette vision qui contraste énormément d'avec les temples pharaoniques d'une autre ère architecturale bordant le Nil, atteint un point culminant quand on s'approche d'Hurgada. Hurgada ressemble beaucoup à la Floride états-uniennes, qui devient à cette époque-ci de l'année le terrain de jeux d'un grand nombre d'européens(nes) fuyant les affres de l'hiver qui s'étire aussi chez eux. 
Comme c'est une ville assez importante, j'ai pu y trouver deux ou trois petits trucs plus difficile à trouver dans les petits villages côtiers que j'affectionne. J'y ai donc séjourné une nuit avant de pousser ma Marseillaise jusqu'à Suez, ville industrieuse et ennuyeuse située à l'embouchure du canal qui porte son nom. Là aussi une seule étape nocturne dans le seul hôtel potable de la ville, mais à un tarif usurier comparativement au reste du pays. Au matin j'ai filé jusqu'au tunnel qui permet de traverser au Sinaï en passant sous le canal. Le Sinaï est une grande péninsule pour laquelle les égyptiens et les israéliens se sont longtemps fait la guerre. L'histoire du canal de Suez est fascinante et le trafique maritime incessant fait qu'il génère un important revenu pour l'Égypte. Les accès au tunnel sont donc sous haute surveillance militaire. De l'autre côté, la route longe le golfe de Suez jusqu'à la pointe de la péninsule, là où se trouve Ras Mohamed, un superbe parc national dont le littoral est protégé afin de sauvegarder les splendeurs sous-marines qui en font un attrait touristique incontournable.
Je me suis arrêté quelques jours à El Tor, dernière petite ville à moins de cent kilomètres de là. Il y a, à El Tor, un petit hôtel attenant à un centre de planche à voile et de kite-surfing. L'hôtel est situé sur une presqu'île de sable qui s'avance dans le golfe, créant une petite baie peu profonde, un lieu idéal pour la pratique de ces activités. J'ai eu vite fait d'y prendre mes petites habitudes avec ces gens sympathiques et accueillants, très loin du harcèlement touristique d'usage ailleurs en Égypte, et d'y faire une pause très agréable. En quittant El Tor j'avais opté pour la route qui traverse le Sinaï de part en part, à travers le désert de pierre. Un peu plus de deux cents kilomètres au creux des montagnes, un spectacle époustouflant.

C'est dans ce paysage que Dieu aurait supposément écrit une note de service pour l'humanité et l'aurait remise à Moïse. Cet endroit demeure un des grands lieux saint pour les hébreux, catholiques et musulmans de ce monde et Dieu y conserve un centre de service important : le monastère de Ste-Catherine, le mont Sinaï et le buisson ardent s'y trouvent. Au bout de cette route j'arrivai à Dahab. Dahab a longtemps été un village de hippies, de backpackers mais surtout de plongeurs. Malgré un développement important Dahab a su gardé un certain cachet et recel encore certains des sites de plongée les plus réputés, dont le Blue Hole tristement célèbre pour le nombre de têtes brulées qui s'y sont noyées. Mais quel endroit fascinant! À peine à quelques mètres du bord, un trou de vingt-cinq mètres de diamètre par deux cents mètres de profond, un gouffre au parois ornées de coraux et habitées d'une vie sous-marine très colorée.
Le village de Dahab est axé sur une longue promenade piétonnière bordée de restos, d'hôtels de toutes catégories et de centres dédiés aux activité sous-marine, qui longe la rive du golfe d'Aqaba sur une dizaine de kilomètres. Le golfe n'est large que d'une quinzaine de kilomètres et on aperçoit, par temps clair, l'Arabie-Saoudite juste en face. 
Je m'y suis accroché les pieds et je repousse à chaque jour le moment d'en partir. J'ai déniché un endroit très très agréable : la mer est à 25 mètres en face de ma chambre avec terrasse, j'y fais de la plongée extraordinaire quand bon me semble et il y a un petit resto asiatique, à la cuisine absolument exquise, à distance d'une petite marche digestive. Que demander de plus à la vie?
Mais toute bonne chose ayant une fin, je me dois de reprendre la route si je veux être arrivé à Istanbul à la fin mai pour retrouver ma fille adorée. J'ai encore à parcourir la Jordanie, m'arrêter à Petra, faire un saut à Beyrouth au Liban, traverser la mouvementée Syrie et presque toute la Turquie avant d'y être.
J'ai donc pris le temps de bichonner ma Marseillaise et réussi à convaincre Caliméro qu'on allait voir encore pleins d'autres endroits fabuleux. On s'est entendu pour partir dimanche.

P.S. Encore merci à tout ceux qui m'ont envoyé, un mot, une carte, une pensée à l'occasion de mon anniversaire. Mon cœur reste rempli de gratitude par tant de souhaits heureux. Pour les autres, c'est pas grave je vous aime pareil...