19 juin 2012

Tourisme médical

Le printemps érable

 Au moment d'écrire ma dernière chronique je n'avais aucune idée de l'aventure extraordinaire dans laquelle j'allais plonger. Quand mon médecin, le Dr Yves Tremblay, m'a soumit son plan en décembre dernier ça semblait tout simple. D'abord une petite rencontre avec le Dr Latulippe pour lui soumettre mon cas et lui demander s'il acceptait de m'opérer. Ensuite on pouvait « rapidement » s'arranger pour avoir une salle d'op et procéder. Quelques « dizaines » de jours de rétablissement et hop je pouvais retourner finir ma convalescence sous les soins attentifs de Deniz, qui elle en profitait pour terminer ses devoirs en m'attendant. Le timing était parfait pour tout le monde. J'avais juste fait abstraction des imprévus...
Rendez-vous fut pris avec Dr Latulippe pour le 22 février et je réservai un billet qui me ramenait à Montréal juste à temps pour le vingt-et-unième anniversaire de Lili Rose, ma fille adorée, et tant qu'à faire pour célébrer le dixième anniversaire d'une nouvelle vie de mon amie Sylvie. Ma rencontre avec Dr Latulippe a été brève mais concluante. Il s'agissait maintenant de synchroniser la disponibilité de tous. Mon agenda à moi leur était dédié entièrement. Ça devait, en théorie, être relativement simple...
Lili Rose prise en flagrant délit de conduite avec facultés affaiblies

Tout le monde sait que fin-février / début-mars, au Québec, c'est « la semaine » de relâche. Et bien moi je ne m'en souvenais plus du tout! Donc, à tour de rôle, mes médecins on pris une semaine de vacance bien mérité avec leur famille. De fil en aiguille, le temps s'est mis à passer, dans l'attente d'un appel officiel. J'en ai profité pour festoyer avec plusieurs amis(es), à squatter chez les uns, cuisiner chez d'autres, pour notre plaisir à tous. Mike et Eleni m'ont d'abord hébergé pendant presqu'un mois. J'étais en terrain connu dans MON quartier où j'ai passé les quinze dernières années de ma vie Montréalaise, et en bonne compagnie. J'ai ensuite déménagé mes pénates chez mon amie et agente Nicole qui habite maintenant tout près de l'hôpital Santa-Cabrini, lieu où j'étais impatient à ce moment-là d'être introniser.
Fin prêt

Après 1 mois et demi à espérer le téléphone de l'hôpital pour mon admission, j'ai commencé à faire un puissant lobbying auprès des personnes concernées. À commencer par Mme Thouin, la secrétaire du Dr Tremblay, que dis-je, l'ineffable pilier du temple médical québécois. Avec son aide j'ai usé de tout mes talents pour que mes deux artistes du scalpel entre en communication dans des délais plus qu'expéditifs. Le vendredi 30 mars à 14h, au comble du lâcher-prise, j'étais attablé dans une gargote indienne sur la rue St-Laurent, qui s'adonne à faire la meilleure poutine au curry au monde, quand mon téléphone portable de circonstance se met à résonner dans cet espace plus petit que les WC de Céline Dion. Mme Thouin m'intime, avec autorité et soulagement, de me présenter le dimanche qui vient pour procéder à mon admission, suivit le lundi 2 avril de l'intervention. Elle n'a même pas eu besoin de me dire d'apporter un pyjama.
J'ai besoin de préciser ici que c'est la troisième fois de ma vie que j'allais célébrer mon anniversaire de naissance dans une chambre d'hôpital. Je suis certain que peu de gens peuvent revendiquer ce fait d'arme. Le début de toute cette saga remonte en 1967-68, années où le monde médical est entré dans mes entrailles et moi à l'hôpital pendant 6 mois, et ou j'ai eu le temps de fêter mes 3 ans, bien que je n'en conserve aucun souvenir. À mon vingtième anniversaire par contre, je me souviens très bien du court séjour ou on m'a réséqué l'appendice. Que les puissantes forces de l'Univers aient encore choisi ce moment particulier pour effectuer un raid gastro-entérique sur mes boyaux ne me surprend pas du tout.
Mon plombier préféré, le Dr Yves Tremblay

C'est à partir de mon déménagement de chez Nicole, à quelques coins de rues à peine de l'hôpital Santa-Cabrini, que ma vie et mes tripes ont changé complètement. Mes tripes surtout. Ma vie inévitablement. Le lundi, en fin d'après-midi, j'étais dans ma petite jaquette, étendu sur une « confortable » civière, dans le vestibule blafard du bloc opératoire. Drs Latulippe et Tremblay, les pros du bistouri, enthousiastes comme des judokas avant un combat, m'expliquèrent brièvement mais précisément ce qu'ils entendaient faire comme tatou dans mon anatomie, ce qu'ils espéraient y trouver et les possibles dommages collatéraux. Une belle grande incision fut pratiquée sur le côté gauche de mon popotin et ils appellent ça la méthode « Karsky » : ça ressemble un peu à un boucher polonais vous trouvez pas?
Par sécurité pour la suite de mes aventures, Mme Thouin m'a obtenu la transcription du protocole opératoire, la description précise des gestes qu'ils ont posés. J'ai blêmi un peu en lisant ce court texte trois semaines plus tard.
À prime abord tout semblait s'être passé de la meilleure façon possible. Les toubibs étaient tous deux rassurés de leurs découvertes et confiants des résultats de leurs agiles et savantes manipulations. J'ai passé une semaine entière au sixième étage du chic Santa-Cabrini avec une vue imprenable sur Montréal-Nord, dorloté par le personnel attentif, en compagnie de la charmante maman octogénaire d'un célèbre chroniqueur sportif québécois dont je tairai le nom. Le menu, par contre, était ténu à l'extrême : que du liquide.
Ma charmante voisine

À ma sortie de l'hôpital maman avait « décidé » que j'irais commencer ma convalescence chez elle, qu'elle serait mon infirmière particulière. Après quelques jours seulement, douleurs anormales, enflure de la jambe gauche, retours aux urgences pour une rencontre avec Dr Tremblay. Diagnostique : infection. Comme j'ai un peu trop attendu... (est-ce que moi j'aurais joué au « tough »?) une batterie de tests s'imposent pour s'assurer qu'il n'y a pas d'autres dommages. On m'administre une puissante dose d'antibiotiques et Yves (le Dr Tremblay avec qui je suis devenu assez familier compte tenu de la fréquence et de la teneur de nos rencontres) m'annonce que le traitement durera une dizaine de jours au minimum et qu'il est essentiel que je soit au bas mot une semaine sans médication avant de penser à retourner vaquer à mes occupations. Impossible de retourner en Autriche à la date prévue, je dois changer la date de mon billet.
La vue de ma chambre au chic Santa-Cabrini

Arrivé au bout du temps prescrit, tout semblait être rentré dans l'ordre et j’envisageais avec joie le retour « auprès de ma blonde ». Quatre jours sans médication et PATATRA! les symptômes d'infections qui reprennent. Cette fois, après consultation avec Yves, il est convenu que le Dr Latulippe prendra le traitement en mains. Je serai admis à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont pour me faire installer un drain. Ce n'est qu'une histoire de plomberie tout ça, quand on y regarde de près! Pendant tout ce temps, Lili Rose est devenue mon chauffeur attitré et je n'ai d'autres choix que de profiter (abuser?) encore de l'hospitalité de mon ex belle-famille. J'ai tour à tour squatter le charmant pied-à-terre de Lou & Luc, et (trop) souvent envahi le petit logement de Suzanne et Lili Rose. J'ai aussi eu le privilège d'aller passer quelques jours au chic domaine campagnard de Lou, Luc et Danielle à St-Jacques-le-Majeur de Wolfestown, et l'immense bonheur de partager un weekend avec ma grande amie Nathalie et maman au chalet familial, sur les rives du lac Gravel.
Installation confortable chez maman

Ayant « perdu » mon billet de retour, puisque j'avais déjà exercé une fois mon option de changement de date, il me fallait commencer à planifier un autre scénario de retour. Deniz devait impérativement retourner en Turquie pour présenter son mémoire de maîtrise et régler quelques détails importants avant notre départ pour le grand voyage. Par conséquent nous convenûmes de nos retrouvailles à Istanbul. Avouez que c'est pas banal pour des retrouvailles amoureuses!

Retrouvailles tant attendues

Ma dernière semaine à Montréal a été très fertile en émotions. Tout à commencer par mon dernier rendez-vous avec Yves, le chirurgien/plombier qui m'a tripatouiller pendant dix ans et qui a réussi à jongler avec mon cas au travers de notre système de santé tel un artiste du Cirque du Soleil. Au moment du départ, notre sincère accolade m'a laissé les yeux tout mouillés. On mettait peut-être fin à une relation « emmerdante », mais en espérant tout de même nous revoir pour des raisons plus amicales qu'anales.  
Pour ceux qui connaissent Bill & Bob, vous savez que les « coïncidences » de la vie sont souvent extraordinaires. Or, mon parrain Pierre et moi avions décidé de nous récompenser mutuellement pour notre assiduité dans la pratique de « l'humilité », ou de la sobriété à tout le moins, lors de la réunion hebdomadaire du mercredi. Après un joyeux repas entre consœurs et confrères je retrouve dans la salle Martin, Martine, Nancy et France, qui doit nous livrer son savoir ce soir-là. Le cœur tremblant, le creux de la paupière humide, ce fut une soirée mémorable.
Festin organisé par le cartel montréalais de la famille Babin

Et ainsi de suite tout le reste de la semaine, à n'en plus finir : le thé chez Nicole, le souper avec Alain, la soirée avec Gilbert, la croisade avec Jonathan et Miguel de chez « Guru » jusqu'aux « Gates of Hell », le banquet de départ aux parfums et arômes orientales avec l'ex belle-famille, et jusqu'au brunch larmoyant avec Nathalie avant de partir pour l'aéroport. Il était grand temps que je retourne dans le tourbillon Turc pour m'y calmer un peu, m'enfouir dans les creux de Deniz et guérir mes sutures dans l'eau salée de la Méditerrané.
Activités de rétablissement dans un lieu agréable en bonne et belle compagnie

Je vous réserve la suite pour dans quelques jours à peine. Le temps de rentrer en Autriche et de souffler un peu, pour commencer à digérer le retour dans cette aventure palpitante qu'est la vie!