12 octobre 2011

Changement de décor


Avant de quitter Ankara Deniz et moi avons fait le tour de nos endroits préférés : le hammam bien entendu, visité tous les amis(es), vu à toutes les formalités possibles et même rencontrer de nouveaux amis motards. Quand Deniz a eu besoin d'un certificat médical, nous avons eu le plaisir de faire la connaissance de Nazim, gentil médecin et membre actif du club de moto d'Ankara (à majorité BMW). J'ai reluqué sa moto garée devant la clinique, il est sorti reluquer la mienne : cinq minutes plus tard Deniz avait son certificat médical et nous avions aussi une invitation à nous joindre au souper hebdomadaire du club.
Murat, Deniz et des amis
Chaque soirée avant notre départ étant consacrée à un souper amical, le grand au revoir devenait une question de poids : vivement le régime frugal de la route.
Deniz avait accepté l'invitation d'un groupe des Pays-Bas à un atelier-rencontre juste avant la date fixée pour le départ de notre randonnée à travers les Balkans jusqu'en Autriche. Pendant qu'elle participait aux activités là-bas je découvrais encore d'autres coins merveilleux aux alentours d'Istanbul en compagnie d'Ebru, sympathique Couchsurfer, une hôte d'une générosité touchante. J'ai pu visiter les îles du Prince ainsi que la côte européenne de la mer Noire, en attendant le retour de ma douce. Notre dernier jour à Istanbul, dernier jour en sol Turc, fut un rallye à travers la ville, occupé à passer un dernier moment en compagnie de tous mes amis et la plupart des siens. Déjeuner, dîner, souper, entre-coupé de thé, de café, et toujours en excellente compagnie, des au revoir parfois émouvants, la soirée c'est terminée par un doux concert de musique soufi dans l’ambiance feutrée d'un café chaleureux.
En arrivant à Meteora
Nous avions planifié de faire une première escale à Lagos, minuscule village Grec sis sur un minuscule bras de terre séparant un grand lac d'eau salé de la mer d'Égée. La traversée du petit poste frontière fut simple, rapide et courtoise et nous avons bifurqué immédiatement sur la petite route qui longe la côte et serpente entre les petits villages. Panorama de fin du jour aux allures de film mélo-dramatique, la ballade s'annonce grandiose, on se croirait dans Zorba le Grec. Lagos donnait l'impression de vouloir s'éteindre tellement les quelques habitants restants finissaient de souffler sur l'été qui prend fin. Les deux seuls resto du village encore ouvert s'arrachaient tièdement notre clientèle, comme deux voisins un peu las d'une vieille guerre.
Au matin on quitte Lagos à la recherche d'un petit déjeuner convenable quand, à peine quelques kilomètres de parcouru, l'eau se met à tomber du ciel, recouvert d'un grand tapis gris foncé, comme si l'automne s'était levé en même temps que nous. 
Plus nous avancions, plus la pluie se faisait intense. À un point tel que nous dûmes changer notre objectif du jour qui était de se rendre jusqu'à Meteora. Nous fîmes donc étape à Thessaloniki. Deniz était transie et trempée, moi un peu humide mais très heureux de fermer le robinet de la douche froide pour d'ouvrir celui de la chaude d'une douillette chambre d'hôtel.

Nous avons repris la route le lendemain en jouant au chat avec les moutons célestes qui s'égaraient dans un ciel percé par les montagnes, qui elle n'en finissaient plus de tourner en montant. Les traversées de chaîne de montagnes sont chaque fois un plaisir motocycliste indicible. Les suites de virages interminables, dans un sens comme dans l'autre, procure une sensation semblable à un manège de parc d'amusement, particulièrement quand on arrive aux sommets et qu'on s’aperçoit de la hauteur à laquelle on est rendu. L'air froid aussi nous le rappelle!
Et nous redescendîmes aux creux de la vallée de Meteora en début d'après-midi par un soleil radieux. Ces gigantesques pics rocheux sur lesquels, jadis, des communautés religieuses ont réussi à édifier d'austères monastères, qui semblent avoir été sculpté à même le roc, sont tout simplement fabuleux! 
Tellement que nous y sommes restés un jour de plus, à randonner, à escalader, à se pâmer devant la splendeur de ces merveilles. La région n'était pas sans rappeler la Cappadoce turque, l’accueille en moins... Je dois avouer que de ce côté-là, il n'y a pas de comparaison possible!
Austère monastère
La prochaine étape consistait à se rendre jusqu'à Tiranë, la capitale de l'Albanie sise à son extrémité nord, et s'annonçait plutôt fastidieuse.
Sur la route de Tiranë
Ce fut une des plus belles randonnées que j'ai fait jusqu'à présent pendant la première moitié du trajet. Longeant la mer Adriatique dans un magnifique lacet de route à flanc de montagnes, à partir de Vlorë, le charme de la côte a fait place à un chaos routier interminable. Alternant entre chantiers, sections d'autoroutes, passant au travers de petites villes poussiéreuses, nous avons mis près de quatre heures à parcourir les 150 km menant à la porte de Gianluca, le seul Couchsurfer italien de toute l'Albanie qui avait gentiment accepté de nous héberger. Le temps d'échanger nos histoires respectives devant un repas typiquement albanais, nous avons vite sombré dans un profond sommeil, à deux sur l'étroit divan, exténué par cette fin de chevauché aux allures de rallye.
La vieille ville de Dubrovnik
Les recherches effectuées sur notre prochaine destination n'étaient pas très encourageantes : Dubrovnik nous était décrite comme une destination magnifique mais hautement avilis par le tourisme de masse.
Dubrovnik le soir venu

Sans doute que septembre et le retour aux activités normales des vacanciers y était pour quelque chose, mais la ville avait sorti tous ses charmes et nous a tout simplement subjugué. Le sympathique croate qui louait de petits appartements bien aménagés, situés au dessus de la vieille ville et nous offrant une vue imprenable à partir de la terrasse, tout était là pour nous séduire complètement. Après l'aride Tiranë albanaise, les berges rocheuses de l'Adriatique étaient plus qu'invitantes.
En pleine ville, sublime...
L'après-midi passé à lézarder sur les plate-formes coulées à même la roche, entre deux plongeons dans la mer limpide et la ballade de fin de soirée dans les étroites ruelles moyenâgeuses, c'était d'un romantisme! On s'y serait volontiers arrêté une toute petite éternité... Mais les nouveaux amoureux que nous sommes avions rendez-vous avec d'autres paradis croates. Parce que toute la côte croate de la mer Adriatique ressemble étrangement à sa cousine d’azur française (en mieux?). En partant de Dubrovnik la route qui longe la mer est un sublime spectacle en soi. On ne se lasse pas de l'interminable serpentin qui suit les escarpements montagneux, nous laissant admirer les îles innombrables justes de l'autre côté. C'est à peine si nous avons remarqué que nous avions aussi traversé, pendant quinze minuscules kilomètres, la portion littorale de la Bosnie-Herzégovine. N'eut été des douaniers qui ont jeté un œil affable sur nos passeport, on aurait pas fait la différence.
Monténégro
L'étape suivante s'appelait Split. Comme Dubrovnik, Split et son antique forteresse font partie du patrimoine mondial de l'UNESCO et s'avère autant sinon plus achalandé que l'autre. Les tarifs hôteliers , un peu surfait, nous ont convaincu de ne pas nous y attarder plus qu'une nuitée. Malgré l'agréable promenade piétonnière intégrée au port, nous sommes restés divisés... En partant de Split nous avions Zadar comme dans la mire. Nous ne nous y sommes jamais rendu. Pour la bonne raison qu'une fois arrivé près de Vodice, dévié de notre route par un barrage policier dût à un incendie de forêt, nous avons quitté la route principale pour rouler sur le chemin longeant le rivage d'un petit hameau qui nous a complètement séduit. 
Il faut bien partir...
Tellement qu'après avoir trouvé une jolie chambre et nous être jeté à la mer, nous avons eut tôt fait d'avertir que nous souhaitions prolonger notre séjour. Le 29 septembre au matin, nous plongions encore dans les eaux calmes, turquoises, fraîches et salées de cette mer si invitante. La maman de nos hôtes, âgée de 88 ans, les cheveux d'argent, n'en finissait plus de nous traiter comme ses petits enfants, à grands coups de sourires édentés, nous offrant sa plage comme un gage de bonheur.
À partir de Zadar, l’autoroute s'enfonçait au travers des montagnes, plongeant dans des tunnels parfois longs de 4 ou 5 kilomètres, nous menant inexorablement vers l'automne et Zagreb, la capitale.
Plongeon dans la montagne
Nous nous sommes bien promis d'y revenir à Zagreb. Surtout qu'une fois rendu à Graz, en Autriche, notre nouveau « chez-nous », on n'a qu'à faire un saut à travers la Slovénie, 160 petits kilomètres! Tout juste le trajet de Montréal à Victoriaville, mais en plus joli.
Graz

Et nous voilà arrivé à Graz, le temps d'y passer deux saisons. Graz est splendidement autrichienne, peuplée de seulement 250 000 âmes, ville très avant-gardiste, où le vieux charme européen courtise le modernisme, où le vélo tient le haut du pavé sur la voie publique, où les 40 000 étudiants des trois universités insufflent un air jeune et vivant à cette modeste métropole, bref, là où l'hiver s'annonce plutôt agréable.
Depuis notre arrivée Marina et Simon, des amis de Deniz, s'occupent très bien de nous. Le lendemain de notre arrivée, ils nous traînaient gravir une montagne toute proche, par une journée extraordinairement belle et chaude pour un 2 octobre. Marina est une artiste accomplie et fut d'une efficacité redoutable pour nous aider à trouver un logement, des amis(es), toutes sortes d'activités et les meilleures brocantes de la ville. Tous les collègues de Deniz font aussi des pieds et des mains pour nous dénicher ce qui est nécessaire afin de nous installer ici quelques mois. Ils sont d'une gentillesse et d'une célérité peu commune. Nous sommes déjà tous deux équipés de l'obligatoire vélo.
Marina et Simon sur la montagne

Nous avons déniché la perle rare pour ce qui est du logis : un magnifique trois pièces complètement meublé style années 70-80, situé en face de la seule montagne du centre-ville de Graz, à dix minutes à pieds du boulot de Deniz, inondé de lumière et si tranquille, bien que tout-à-côté du centre-ville historique. Tous les amis qui ont visité sont fort étonné que nous ayons trouvé si vite, si bien et pour si peu. C'est que c'est la rentrée ici! Avec tous ces étudiants qui cherchent aussi. Nous sommes, encore une fois, les témoins et les acteurs d'une surprenante synchronicité, d'une incessante générosité de la vie nous offrant très exactement le nécessaire et bien souvent plus.
Deniz devant notre porte d'entrée... on peut rêver non?
Alors on a même une chambre d'ami pour inviter confortablement ceux qui auraient envie de nous rendre visite : un petit séjour en Autriche en hiver quelqu'un?
On vous attend tous !!!