04 décembre 2012

L'acceuillante et spirituelle Thaïlande

Déjà presque 2 mois que nous sommes débarqués en Thaïlande avec nos motos. Nous commençons à peine à nous habituer au rythme de la vie, douce et paisible, qui coule partout où nous posons nos roues.
Avant de quitter Bangkok, Deaw avait pris l'initiative de nous emmener à Ayuttaya visiter quelques temples. Deniz et moi avons aussi pris le temps de visiter l'incontournable palais impérial, à deux pas de Bouddha de notre « guesthouse ».
En quittant Bangkok, nous avons mis le cap sur Kanchanaburi, une première étape accessible et agréable, même si ça nous faisais faire un grand détour pour rejoindre Chiang Mai. Malgré toutes les options dans la région, nous avions convenu de n'y passer qu'une seul journée et nous l'avons consacrée à la visite du Temple des Tigres. Les moines qui gèrent et habitent le temple, recueillent des bébés tigres orphelins et se proposent de les remettre en liberté un fois arrivés à maturité, dans un endroit propice à leur survie. Bien qu'ils fassent tous les efforts possibles pour que cette initiative ne devienne pas une « attraction touristique », l'affluence de visiteurs amène immanquablement un côté « Parc Safari » à toute l'affaire.
Au départ de Kanchanaburi nous étions attendu à Kamphaeng Phet par la très sympathique famille Piroon, parenté proche de Deaw. Leur affabilité nous a grandement touché.
C'était soir de fête en ville à l'occasion du festival de la « Petite Banane ». Nous avons été trimballé, restauré et présenté aux divers connaissances de la famille, comme si nous étions des personnages hautement prestigieux. Le papa Lek, et la maman Jahâa sont haut-placés dans le système d'éducation de la province, grand-papa est colonel de la police à la retraite, et Sai, leur fille de 18 ans, s'apprête à commencer l'université en architecture.
Quand fût venu le temps de partir, grand-papa voulait absolument sa photo avec nous et les motos. Il nous a aussi remis une lettre avec son numéro de portable, qui nous tirerait sans ambages de toutes circonstances impliquant les autorités, advenant une telle situation.
La famille Piroon
Nous avons filé jusqu'à Chiang Mai sur une route qui ne nous laissait qu’entre-apercevoir les splendeurs de la Thaïlande du nord, celle des montagnes et des cultures en terrasse, des rizières dans les recoins les plus inimaginables, ne croisant qu'un cobra apeuré qui a eut tôt fait de disparaître après s'être dressé et nous avoir montré ses dents.
Nous ne sommes resté à Chiang Mai que le temps d'avoir un petit aperçu de la multitude de plaisirs et de douceurs que cette charmante ville avait à nous offrir, de nous donner un avant-goût du délicieux rythme de vie Thaï. Enchaînant yoga Ashtanga et massage, nos corps pouvaient s'offrir sans gêne les extravagances de la succulente cuisine siamoise.
Le festival de la "Petite Banane!

Mon ami Daniel, dont l'épouse Sunee est originaire du petit village de Pathai, nous avais fourni assez d'informations pour arriver à localiser ce minuscule hameau pas même mentionné sur google maps. Sunee, de son côté, avait prévenu les membres de sa famille de notre arrivée imminente. Avec l'aide de notre fidèle GPS, nous sommes parvenu jusqu'à la porte de Nalou, sa sœur, qui elle nous a mené chez son fils Wasan et sa petite famille, seul personne du village à baragouiner assez l'anglais pour avoir quelques conversations agréables et Ô combien instructives.

Deniz, Wasan et sa famille
Wasan et sa famille ont été d'une générosité et d'une gentillesse incroyablement spontanée. Nous étions invité à chaque repas chez un frère, un oncle, une cousine, tous voulaient recevoir les « farangs » à moto. Le timing de notre visite ne pouvait mieux tomber : c'était la fête annuelle qui célébrait la récolte du riz nouveau. À chaque jour il y avait des parties de foot « amicales » et le repas de midi était préparé par les habitants du village hôte. Un festin différent, selon la spécialité de chacun.
Pathai vu de l'autre rive
Pendant notre séjour à Pathaï nous sommes parti en excursion jusqu'à Chiang Rai, seconde plus importante ville du nord, tout près du Triangle d'Or que forme les frontières de la Thaïlande, du Laos et de la Birmanie, et nommé ainsi à cause de la culture de pavot et de la frabrication d'opium dans les années 70. Nous avons ensuite fait un grand détour par Doi Tung et les petites routes montagneuses qui serpentent à travers les plantations de thé, avant de rentrer au village où nous étions attendu pour le souper.
Même Bouddha n'arrive pas à dormir
Une plantation de hté
Les coqs asiatiques ne se réveillent pas tous à la même heure, les premiers à pousser un cri rauque entraînant les autres, la « coquophnie » débute bien avant les premières lueurs de l'aube. Et tous ceux et celles qui ont un peu voyagé dans ces contrées savent que les murs des maisons de bambou sont minces, que la vie dans un petit village commence tôt et que le syndrome du « voisin qui aime les petits moteurs » est très répandu, même dans ces régions qu'on continu d'imaginé perdues. Après quatre jours et trois nuits de cette hospitalité villageoise et familiale ininterrompue nous sommes repartis vers Chiang Mai, en quête de sommeil, en empruntant une toute petite route qui traverse le Parc National au sud de la rivière Kok et qui chevauche la crête des montagnes, en prenant bien soin d'éviter de rouler sur la queue des serpents qui se dressaient à notre passage.
La base de la future cuisine de Vari
Arrivé à Chiang Mai, Deniz s'est empressée de trouver les informations pour participer à une retraite de méditation Vipassana dans un temple tout proche. 10 jours d'un séjour avec elle-même qui transforme inexorablement une vie. Je n'allait pas rester en reste! Notre rencontre avec Vari, l'instructeur de yoga Ashtanga du studio WildRose, m'a offert une opportunité que j'ai vite saisie. Vari venait tout juste d'emménager en plein cœur de Chiang Mai dans une maison de style « Lana », entourée d'un immense jardin mais complètement dépourvue d'un coin cuisine.
Le résultat, juste avant notre départ
Le « bricoleur » en moi n'a fait qu'un tour et j'ai entrepris de lui donner un « petit » coup de main pour en fabriquer un. Le travail du bois nécessitant beaucoup d'outils, nous avons opté pour un concept tout béton. Le temps de trouver et de faire livrer les matériaux et hop! nous voilà à mélanger du ciment à la pelle, par 30°C. Entre les classes de yoga Ashtanga de plus de 2 heures et nos 3-4 heures de béton quotidien, mes 10 jours d'attente ont été bien comblés et très profitables pour tous. Quand est venu le moment d'aller chercher Deniz au temple à la fin de sa retraite, elle me semblait nimbée d'une aura et flotter un peu au-dessus du sol. Était-ce dû à mon travail physique, au sien spirituel, à la lumière du soleil couchant se reflétant sur les dorures du temple ou à la combinaison de tout cela?
Deniz à la sortie

Les jours qui ont précédés notre départ de Chiang Mai ont coulés comme l'eau qui ceinture cette petite cité, calmes et rafraîchissants.
Pendant ces 10 jours j'ai aussi « travaillé » très fort pour obtenir de nouveaux Carnets de passage en douanes pour les deux motos. Je ne vous fait pas le récit ennuyant de cette aventure rocambolesque s'étant déroulée dans le cyberespace, entre une préposée de CAA National à la pré-retraite, une préposée du services aux membres des caisses Desjardins, et moi décalé de 12 heures, afin de retrouver les $14 000.00 de garantie égarés pendant 24 heures dans ce même cyberespace. Une autre opportunité pour moi de pratiquer le lâcher-prise, là, ici, maintenant!
Comme on était dans le nord du pays, de parcourir la boucle de Mae Hong Son s'avérait un incontournable avant de rentrer à Bangkok quérir les précieux Carnets chez notre ami Deaw. La boucle de Mae Hong Son est une route légendaire parmi la confrérie motocycliste à travers le monde, avec ses 1864 courbes, traversant des montagnes qui culminent jusqu'à 2000 mètres tout du long de la frontière birmane. Une première étape à Pai, petite ville lovée au creux d'une vallée de rizières, où on trouve bon nombre de sources chaudes et traversée par une rivière au bord de laquelle on peut dormir dans de douillets petits bungalows.
La rivière passe juste derrière. Ça dors très bien!
On aurait pu aisément y passer quelques jours si notre calendrier nous l'avait permis. En parcourant la route jusqu'à Mae Hong Son le lendemain on a vite convenu qu'il fallait absolument revenir explorer les cavernes et autres merveilles de la région. À Mae Hong Son, les luxueuses « cabanes » en pleine jungle nous ont complètement subjugué. On s'est offert un jour de plus pour découvrir et profiter un peu du coin.
Source chaude très bien aménagée à Pai
Deniz se pratique avant la route difficile
Notre carte papier et celle de GPS nous permettaient de croire qu'on pouvait rallier Mae Chaem en passant par une petite route non-pavée par endroit, et laissaient donc entrevoir un joli défi et des paysages moins fréquentés. On s'est engagé sur la petite route un peu avant midi et les nuages accrochés au faîtes des montagnes nous semblaient tellement lointains et si peu menaçants que nous nous sommes joyeusement enfoncés au milieu de la jungle, jusqu'à ce que la route se dirige tout droit sur les gros nuages noirs qui grondaient de plus en plus à notre approche.
Une pause après la pluie

La pluie n'a pas durée très longtemps mais fut assez intense pour détremper bien comme il faut cette route de glaise rouge et de roche rendant la conduite éprouvante, exténuante, même pour moi qui a un peu d'expérience : imaginez pour Deniz qui en est à ses premières tentatives sur piste. Les pentes abruptes, les grandes ornières boueuses et glissantes, chargés comme les escargots que nous sommes. Et bien elle a réussi à traverser les 30 kilomètres de route « hardcore », plus les dix derniers à la tombée du jour, quand on a finalement rejoint la route pavée. Elle était d'une pâleur inquiétante, mais tellement heureuse d'avoir accompli cet exploit, d'avoir traversé ce moment ou on sent qu'on va abandonner, que les forces nous quittent et que, tout-à-coup, la détermination nous pousse à nous surpasser, à transcender la peur.
Le plus haut sommet sur la route de Mae Hong Son
La terrasse de Lorraine à Lampang
Après un repas simple mais généreux, nous nous sommes tous les deux écroulés pour une nuit de repos indispensables. Au matin, encore maculé d'hier, nous sommes redescendus des montagnes jusqu'à Lampang. Est-ce que les efforts et l'épuisement des jours précédents y sont pour quelque chose? Sans aucun doute! Toujours est-il que Deniz fut assailli par un violent virus pendant la nuit. Elle en fut quitte pour 2 jours au lit, n'émergeant de temps en temps que pour avaler un liquide chaud. Le « guesthouse » où nous avions heureusement échoué était tenu par Lorraine, une sympathique italienne/belge qui a épousé un thaï mordu de moto il y a 35 ans de cela. Ils ont deux Harley étincelantes dans la boutique à l'entrée.
Un départ prometteur sur une route de toute beauté

J'en ai profité pour faire un minutieux nettoyage de nos deux montures, sous les regards ébahis des autres clients de Lorraine. En ouvrant mes valises et en mettant la main sur la bouteille de pur vinaigre balsamique que nous avions acheté à Modena en Italie, j'ai proposé à Lorraine un échange impossible à refuser : je fourni le précieux nectar en échange d'un grand bol rempli des ingrédients qui feront une délectable salade. L'aveugle érudit, le cycliste slovène et le couple d'américain ont tous été séduit par notre œuvre, et nous l'avons partagé avec bonheur.
Une p'tite chanson!  

Quand Deniz fut suffisamment remise, nous avons fait une nouvelle escale à Kamphaeng Phet, chez la famille Piroon, qui nous a, une fois de plus, accueilli comme les grands mandarins d'un empire lointain. Deniz tenait tellement la forme qu'elle est allée jusqu'à trois interprétation sur la scène du Karaoké local. Lek, Jahâa et Sai se sont joint à nous pour savourer le Lap Mu que Jahâa m'a enseigné à préparer pour le déjeuner : une préparation de porc haché, bouilli, et mélangé à de la poudre de riz grillé, du jus de lime et d'herbes fraîches. Un pur délice!
Notre agent, notre guide, notre sauveur, Deaw

Deaw nous attendait à notre arrivée à Bangkok. Pour la première fois nous avons fait une entorse à notre règle de ne pas emprunter l'autoroute. La route entre Kamphaeng Phet et Bangkok est une grande plaine couverte de villes et de villages sans grands intérêts qui nécessitait plus de 12 heures à parcourir, alors que l'autoroute nous y mène en moins de 5. Après avoir savament évité la pluie toute la journée, nous sommes entrés à Bangkok sous une averse bien constante. Notre liste de petites emplettes urbaines s'allongeait et nous obligeait à passer plus de temps que nous ne le souhaitions dans Bangkok polluée et pollueuse, mais si débridé. Heureusement que Deaw est là! Dévoué, voir zélé dans ses démarches pour nous aider à dénicher même nos plus insolites caprices. Muni de son immense tablette multimédia et de son non moins immense VUS, nous parcourons cette mégapole dans tous les sens, à des vitesses parfois vertigineuses, compte tenu du trafic intense qui sévit ici. Il a des contacts ou de la parenté dans toutes les sphères, connaît tous les raccourcis possibles. On a trouvé dans le « chinatown » des thés rares, connus seulement des initiés. Il a « hacké » des cartes du Laos et du Cambodge pour notre GPS. C'est notre agent secret «particulier». Lui-même cycliste, motocycliste et grand voyageur, nous passons la grande majorité de notre temps ici en sa compagnie, à s'inventer de nouvelles missions.
J'ai essayé tant bien que mal de trouver le problème

Nos visas Thaï n'étaient valides que jusqu'au 8 décembre 2012 et nous envisagions de descendre au sud-est, jusqu'à l'île de Ko Chang avant de traverser au Cambodge, juste à côté. Nous n'avions parcouru que 60 kilomètres en quittant le quartier de Deaw, que Tesla, la moto de Deniz se met à rouspéter, à s'étouffer. Je démonte tout le « dessus » de la moto, sans parvenir à identifier la cause exacte du problème, mais sachant tout de même que ça vient du mélange air/essence : trop d'air.
La monture retourne à Bangkok en "ambulance"

Quelques heures plus tard Deaw débarque à la station de service avec une remorque et nous ramenons toute l'équipé chez lui. Le rendez-vous à l'atelier est déjà pris pour le lendemain matin, 8h am. C'est un gros conduit en caoutchouc qui relie l'alimentation d'essence à la tête du moteur qui est fendu. À 9h am BMW à Bangkok nous informe que la pièce en qui est en Allemagne ne peut arriver à Bangkok avant trois semaines, même en insistant. Passant la journée à tenter de trouver différentes solutions, à visiter différents revendeurs de pièces usagés à la recherche de quelque chose qui ressemblerait à ça, on finit par acheter le nécessaire pour faire une tentative de réparation.

On a bien chercher, mais il y a peu de pièces usagées BMW 
Quand on évoque la possibilité de contacter des « amis » dans d'autres pays je pense à Roger et lui envoi un courriel relatant la situation en début de soirée (12h plus tôt pour lui). La magie commence à se manifester. En l'espace de quelques heures, il a contacté les différents concessionnaires BMW de Montréal qui n'ont pas cette pièce en stock... zut! Qu'à cela ne tienne : il l'a défait sur la moto d'Elza, sa concubine, (même modèle, même année, coïncidence?) et nous l'envoi par FEDEX illico. Je lis toutes ces étapes dans ma boîte de courriel à mon réveil et je n'en croit pas mes yeux! Le Père Noël est passé plus tôt cette année!

Entre temps Deniz et moi avons élargi notre diffusion média: un blog commun plus axé sur les technicalités du voyage,
http://theearthunderourwheels.blogspot.com/2012/11/our-beloved-motorcycles-take-plane-from.html
et une page facebook où on poste des photos et des commentaires régulièrement.
http://www.facebook.com/TheEarthUnderOurWheels
Les deux sont en anglais pour une diffusion plus large, une plus grande interaction et l'accessibilité à un plus grand nombre, mes lecteurs/lectrices ne m'écrivant pas beaucoup. C'est une invitation que je vous lance! Saisissez-la !



15 octobre 2012

Bye Bye Turquie

Coucher de soleil sur un des deux seuls ponts qui relient l'Europe et l'Asie

Notre séjour en Turquie s'est prolongé un peu plus que nous ne l'avions prévu. J'ai paressé à vous en faire le récit, mais j'avais besoin d'un peu de recul et de matière pour vous servir quelque chose d'intéressant, de palpitant. Comme notre horaire est plutôt flexible le délai supplémentaire ne portait pas à conséquence. Ça nous aura permis à tous les deux de bien boucler la boucle Turc.
En arrivant à Istanbul, chez Başar, nous avons consacré les premiers jours à rencontrer les amis(es), commencé à faire les premiers pas pour l'expédition des motos, de Istanbul vers Bangkok, notre prochain but. En Turquie, la manière de faire des “affaires” est très particulière: malgré toutes nos tentatives, par courriel ou par téléphone, il nous était impossible d'avoir des réponses claires, des procédures précises, des prix complets, pour l'envoi des motos par cargo aérien. Il fallait s'armer de patience et de persévérence.
De l'autre côté, c'est la fête!
Notre arrivée coïncidait avec le “Bayram”, grande fête musulmane qui correspond aussi avec un long congé pour tous. Başar mourrait d'envie de partager avec nous une aventure motocycliste dans un coin encore inconnu de moi, ce qui s'avère de plus en plus difficile. À la lumière de nos conversations j'ai davantage visité la Turquie qu'un bon nombre de Turcs, incluant Başar. Nous sommes donc parti à l'aventure vers İğneada, dernier village sur le bord de la mer Noire, à quelques kilomètres de la frontière bulgare, en espérant y trouver un coin tranquille pour monter nos tentes et y passer une nuit à être bercer par le doux bruit des vagues. Il semblerait que beaucoup de Turcs aient eu la même idée que nous. En arrivant là-bas en fin de journée, nous avons eu toute la misère du monde à trouver un petit coin relativement calme pour y monter nos tentes et espérer dormir parmi le brouhaha des smalas turques en vadrouille pour le temps d'un weekend sacré. Debout tôt le matin, après une saucette dans la mer rafraîchissante sur la plage encore calme, nous sommes reparti vers Istanbul en empruntant une route différente. On voulait tous les trois tester un peu nos habiletés et nos motos sur des routes moins fréquentées, plus rudimentaires. Notre cartographie indiquait clairement des chemins praticables mais ne faisait pas mention de la multitude de possibilités qui pouvaient s'offrir à nous tout au long du parcours. Après de nombreuse tentatives, hésitations, espoirs, les sentiers devenaient plus rocailleux, moins définis et notre direction hautement approximative.
Nos sauveurs, leurs amis et les motos
Je fut le premier à faire une chute: pas trop de dommages. Trois Turcs se baladant sur deux motocross parce qu'ils en avaient bousillé une (des vrais, conçus pour là où il n'y a pas de route), surgirent sur le sentier pour nous prêter main forte. Ils nous proposent de nous raccompagner dans la bonne direction mais ils veulent d'abord nous faire découvrir une petite plage où ils se rendaient justement pour se rafraîchir. Deniz est fatiguée, Başar et moi suivons tant bien que mal ces pros du hors route. Deniz finit par faire aussi une chute, sans trop de dommages, mais compte tenu de sa fatigue et de son manque d'expérience elle préfère confier sa moto à Murat (qui à bousiller la sienne un peu plus tôt) et de monter derrière Ersin. Pour accéder à la plage en question il nous a fallu descendre dans un ravin escarpé comme le visage d'un russe alcoolique et centenaire. Pour Başar et moi, impensable d'en ressortir chargé comme nous l'étions, avec nos deux grosse “machines”. Les pros nous ont tiré de là comme si c'était un exercice de débutant. On a retrouvé la route de bitume avec soulagement et nous sommes rentrés à Istanbul ventre à terre, juste à temps pour éviter la nuit noire, mais pas sans avoir pris le temps d'offrir un thé et de remercier nos trois sauveurs.
Pour passer le temps à Istanbul il y a tellement à voir, et le meilleur moment c'est bien sûr au coucher du soleil

Au terme de notre première semaine à Istanbul, Deniz s'envolait à Izmir pour passer “quelques jours” avec sa maman: en Turquie il en coûte pratiquement la même chose de parcourir les grandes distances par avion que par bus, surtout si on se rend d'une grande ville à une autre. Pendant que Deniz et sa maman prenaient soin l'une de l'autre, j'avais plusieurs petites réparations et entretiens à faire sur les motos, suffisamment pour m'occuper pendant “quelques jours”. Il y avait aussi mon dos qui requérait des services “spécialisés” suite à mon épisode de lumbago en Bulgarie.
Avec l'aide d'une amie de Deniz, Iksan, qui est médecin, on a déniché un ostéopathe qui travaille thérapeute neuro-musculaire. Une amie CouchSurfeuse à moi, Ebru, qui est aussi professeure de pilâtes m'a accompagné au premier rendez-vous. J'avais des exercices quotidiens à exécuter et au final, le traitement semble avoir réussi.
Pendant cette période, puisque Deniz avait décidé de prolonger son séjour à Izmir, j'ai eu le temps de dénicher un très sympathique et chaleureux fabricant/marchand de valises de moto. Celle de gauche sur la moto de Deniz a perdu la vie lors de sa chute et de remplacer une seule valise de plastique BMW par un ensemble complet de valises en acier inoxydable nous coûtait à peu de chose près le même prix. Je ne savais pas trop quoi offrir à Deniz pour son anniversaire.
Selim, sa blonde, Bora, la moto et les nouvelles valises
Le choix a été simple, sans compter que Selim et Bora de Globe Scout sont des mordus d'expéditions de motos, qu'ils m'ont entièrement réparé ma valise à moi un peu amochée et qu'ils ont été des plus serviables et de bons conseils dans toutes nos démarches. L'installation était prévue pour la mi-septembre à cause de leur carnet de commande qui s'allonge rapidement tellement leur produit est d'excellente qualité. Si vous passez en Turquie et que vous pensez à changer vos valises de motos c'est indiscutablement avec eux qu'il faut faire affaire.
La vallée de la montagne trois couleurs, entre Nalihan et Beypazzari

Quand Deniz revenait d'Izmir, il lui restait son mémoire de maîtrise à aller présenter à l'Université Technique du Moyen Orient, à Ankara. On s'y est rendu en moto, bien-entendu, et on a encore emprunté la magnifique route qui traverse la vallée entre Nalihan et Beypazzari.
Deniz devient Maître
Les autorités et les fonctionnaires Turques sont passés maître dans l'art d'inventer des procédures tatillonnes et des formalités interminables dans tous les domaines d'administration publique. L'éducation ne fait pas exception et la démarche de Deniz, qui ne devait prendre que “quelques jours”, n'a pu être achevée qu'après trois semaines. C'est très long trois semaines à Ankara quand on a pas grand chose à y faire. J'ai eu beau dire à Deniz d'insister pour accélérer le processus (à éviter), partir trois jours faire une randonnée à Safranbolu et Kastamonu, j'ai trouvé le temps long. J'ai oublié de profiter du moment présent, à tellement vouloir être “ailleurs”. À notre arrivée à Ankara, Deniz et moi avons même reconsidéré nos plans et nous avons entamé les démarches afin obtenir les visas nécessaires pour traverser l'Iran et le Pakistan, dans l'espoir de nous rendre jusqu'aux Indes par la route, en moto. C'est au même moment que notre brillant premier ministre canadien (que je soupçonne d'être sous la houlette de la communauté juive orthodoxe canadienne) a décidé de fermer l'ambassade du Canada à Téhéran et de mettre à la porte du Canada les représentants iraniens à Ottawa. Encore aujourd'hui je n'ai toujours pas eu de réponse concernant ma demande de visa. C'est sans aucun doute une heureuse coïncidence qu'il me soit impossible d'y aller pour l'instant. Je tiens encore beaucoup à la vie. Le Canada est de moins en moins un pays politiquement tempéré et conciliant. Et si le Québec ne prend pas ses distances (voir se séparer), j'envisage très sérieusement  d'adopter une nouvelle nationalité.
Ismail au travail dans son atelier
Toujours est-il qu'avant de partir d'Ankara nous avions d'ores et déjà décidé de nous expédier à Bangkok par voies aériennes. En attendant que les différentes instances daignent accorder à Deniz sa maîtrise en Phylosophie de l'écologie, j'ai fait la rencontre d'Ismail, un dentiste qui a défroqué pour devenir ferblantier. Cet homme sympathique et rieur m'a fabriqué le réchaud à théière idéal que j'ai eu le temps d'imaginer et de dessiner.
Ismail et moi

À notre retour chez Başar, nous lui avons fait part de nos plans, de notre départ imminent. Il a eu la gentillesse de nous dire que nous partions trop vite, qu'il commençait à peine à s'habituer à notre agréable et joyeuse cohabitation. Ça faisait presque un mois complet que nous squattions sa luxueuse et accueillante demeure. Avant de partir pour Ankara, nous avions fini par dénicher un agent qui avait réussi à mettre cartes sur table et à nous fournir une soumission acceptable, sur une feuille de bloc-note, un petit bureau d'agents que nous avions trouver en se rendant directement au terminal cargo de l'aéroport. À cause de nos nombreuses démarches tout le milieu des “brookers” ainsi que tous les agents de “Turkish Airline” étaient au courant de notre projet. Nous avons fini par comprendre que tous les “brookers” passaient par “Turkish Airline” pour effectuer notre expédition et que le prix final dépendait de la “cote” que prenait les “brookers”.
La fête de départ avec les amis(es)

Başar s'est généreusement offert pour nous aider. Après quelques tentatives pour faire fabriquer les “boîtes” requises par notre agent par des menuisiers locaux, un rapide calcul nous a rapidement permis de conclure qu'il me serait très facile et très très économique de le faire moi-même. Son grand garage mis à notre disposition, il a transporté pour nous les matériaux nécessaires à les pré-fabriquer, nous a trouvé un camion pour transporter tout ça à l'aéroport le jour prévu et nous a même organisé une soirée d'adieux avec les amis(es).
D'un quai à l'autre, la préparation 
Sur l'aire de chargement de la zone cargo à l'aéroport Atatürk d'Istanbul le lundi avant-midi, nous avons mis 3 heures à mettre les deux motos “en boîtes”. Notre agent était impressionné par notre organisation. Tellement qu'ils nous ont gracieusement offert une assiette de kebab sur le coin du bureau au moment de nous remettre les documents nécessaires pour réclamer nos bécanes dans un endroit similaire mais à Bangkok, à quelques milliers de kilomètres plus à l'est.
Nos motos s'envolaient le soir même alors que nous ne partions que le lendemain après-midi. Afin de s'éviter un peu de voyagement on avait pris soin de se poser dans un hôtel tout à côté de l'aéroport. Une dernière soirée sur la rue Iskitlal en compagnie de la maman de Deniz et de Çoşkun, son cousin avec qui je me suis beaucoup lié d'amitié, et nous quittions la Turquie en passant par Dubai, avec à peine le temps de changer d'avion. Au moment du transit à Dubaï, les douaniers(ères) m'interpellent et me signifient que je transporte des objets interdits dans mon sac à dos: un petit ensemble de tournevis de bijoutier acheté en Allemagne que j'apprécie beaucoup, et un dangereux ruban à mesurer. J'ai dû me rendre au poste de police et implorer les agents de faction que les tournevis m'étaient précieux dans la pratique de ma profession, mais que je pouvais me défaire du ruban à mesurer suspect sans conséquence majeure dans ma vie. Malgré cet intermède, nous avons pu rejoindre le quai d'embarquement situé à l'autre extrémité de l'aéroport, sans occasionner de retard. Mis à part ce petit contre-temps, notre expérience avec Emirats fût une des plus agréable de toutes mes expériences avec les divers compagnies aériennes à ce jour, ex-æquo avec Turkish Airlines et Japan Airways. Air Canada fait bien piètre figure par les temps qui courent dans mon palmarès.
Le summum : massage Thaï des pieds pour $3 la demi-heure

Même précaution pour notre arrivée en Thaïlande, le petit hôtel situé à 2 kilomètres du terminal cargo, nous offrait une jolie piscine, une chambre spacieuse et impeccable pour une somme dérisoire. Quelques heures après avoir atterri et dormi un tantinet, nous nous sommes rendus au terminal cargo avec le seul espoir de localiser nos grosses boîtes blanches. Après des débuts qui présageaient de longues et fastidieuses démarches, l'administration Thaï nous a surprise par sa célérité: nous avons pu quitter l'aéroport le jour même avec nos motos complètement exténués, mais tellement heureux. C'est sous les regards admiratifs et impatients des Thaï que nous avons déballé nos fiers destriers et que nous avons ensuite parcouru les 2 petits kilomètres nous séparant de l'hôtel, porté par la douce brise et un sourire béat collé dans la face.
Dio et Deniz

À peine avions-nous posé nos pénates dans un “guest-house” déjà connu de moi, plus au centre, que Deniz avait rejoint un ami Thaï dont elle avait fait la connaissance par l'entremise d'un projet AFS, il y a quelques années. Dio nous a, dès l'instant de notre rencontre, pris en main. Il est d'une attention et d'un serviabilité inespérée. Il habite toujours “chez ses parents”, qui sont tout aussi accueillant que lui. Mon pneu arrière est déjà remplacé et nous avons procédé hier au changement d'huile des deux motos, dans la cour de la maison familiale, à l'ombre, rafraîchi et restauré, comme des invités de marque.
Changement de pneu dans une ruelle sombre de Bangkok

Dio nous a trimballé à travers Bangkok pour trouver absolument tout ce dont nous avions besoin. Deniz avait “besoin” d'un “lap-top”, et moi d'une nouvelle caméra. Il a négocié pour nous les meilleurs prix possibles, nous fait découvrir les meilleurs restos et les succulentes particularités Thaï.
Bien que Bangkok soit une explosion de découvertes, une des plus fantastiques mégapoles de la planète, nous souhaitons partir très bientôt à la rencontre du reste de la fascinante Thaïlande. On a déjà “des amis(es) de la famille” des amis(es)... qui nous attendent au Nord, dont nous sommes impatients de faire la connaissance, des stages de yoga, de méditation auxquels on voudrait bien participé, parcourir ses paysages, rencontrer ses habitants aux sourires contagieux. Les effluves des kiosques qui cuisinent sur la rue, nous ont déjà ensorcelés, la brûlure des épices nous a déjà enfiévrés.
Quelques délices Thaï

Sawatdee Khrap

03 septembre 2012

Balade dans les Balkans



Trois jours avant de quitter Graz, le matin même ou nous avions prévu de nous rendre au Marché aux Puces sabbatique pour y vendre les quelques objets de « valeur » que nous avons accumulé pendant notre séjour en Autriche, je me suis levé avec un lumbago carabiné et Deniz s'est échappé la moto sur le pied gauche en tentant de se rendre là-bas. Trois jours pour se remettre, chacun de son côté, de ces maux vides de sens mais tellement bien sentis, c'était un peu juste. Comme il fallait absolument libérer l'appartement, puisque d'autres gens emménageaient le 1er août, il fallait élaborer un plan « B ». Plusieurs amis(es) se sont très généreusement offerts pour nous héberger si notre état ne nous permettait pas de partir.
Martinek, notre ami Tchèque, à Graz
C'est pas croyable le nombre de choses qu'on ramasse en si peu de temps. Heureuse coïncidence que toutes nos fréquentations à Graz étaient des gens pas trop fortunés qui ont grandement apprécié notre générosité de dernière minute : ça faisait l'affaire de tout le monde. La journée Marché aux Puces nous a permis de se défaire des plus « gros morceaux ». Le matin du 31 juillet, nos souffrances respectives nous semblant tolérables, Deniz et moi avons enfourché nos deux fières destriers et avons quitté Graz et l'Autriche pour nous rendre au lac Balaton, pas trop loin en Hongrie, une demi-journée sans pousser la machine. On y a pris un excellent repas « organique » dans une sympathique auberge, passé une paisible nuit, mais pas sans avoir poussé un grand soupir de soulagement d'être enfin sur la route. Deniz se promettant dès le premier jour de faire de grands « ajustements » dans ses bagages une fois rendu en Turquie, je retrouvais, moi, le plaisir et le confort du voyageur aguerri que je suis devenu par la longue pratique. Notre périple à travers les Balkans pouvait commencer!
Première étape : Belgrade, capitale de la Serbie. Petite précision : il n'y a que très peu de cartographie GPS disponible pour les pays des Balkans. Il fallait par conséquent trouver une bonne vieille carte routière. 

En quittant le lac Balaton et la Hongrie la route la plus « sensée » nous menait d'abord en Croatie. Cette seconde journée, au travers ces régions plutôt « plates », recouvertes de vastes étendues agricoles, aurait passé inaperçu, n'eut été le passage des douanes. Bien qu'elle ait un visa Schengen en règle dans son passeport, le fonctionnaire de faction ne trouvait pas le tampon indiquant la date d'entrée. Après moult tergiversations il a tout de même consenti à nous laisser partir, non sans garder un point d'interrogation au fond de l'œil. Ce n'est qu'en arrivant à Belgrade, exténué et trop tard pour visiter un peu la ville, que Deniz s'est souvenu qu'elle avait utilisé sa carte de résidence quand nous sommes revenus de Turquie en juin. Comme nous visions de nous rendre à Sarajevo le lendemain, notre soirée à Belgrade se sera limitée à un mauvais « burritos mexicain », sur la grande avenue piétonnière du centre-ville. Vous me direz que les probabilités d'être déçu par la gastronomie mexicaine en Serbie sont grandes et je vous dis que vous avez entièrement raison: à Rome, mangez comme les romains! Nous avons quand même réussi à trouver une très bonne carte routière avant d'aller nous échouer dans les lits douillets d'une auberge de jeunesse très « class ». 
Paysage récurrent sur la route des Balkans


Avant de sombrer dans les limbes de la nuit, j'ai eu le temps de faire une petite recherche sur l'histoire de cette ex-Yougoslavie (wikipedia regorge d'informations sur tous les aspects du sujet). Je suis encore perplexe et consterné par les actions horribles commises par des politiciens/chefs d'états qui s'approprient un certain pouvoir et qui, sous l'effet de l'intolérance un certain matin, lancent des soldats, des hommes, des peuples, des communautés, des gens qui autrement vivent dans une paisible cohabitation depuis longtemps, dans des escalades guerrières, à commettre des atrocités innommables. Qu'ils soient Serbes, Croates, Bosniaques ou Kosovites, lorsqu'on traverse un petit village paisible dans les montagnes ou les plaines vallonneuses, on se demande invariablement comment cela a pu se passer, qu'est-ce qui a poussé des voisins, depuis des millénaires, à s'entre-tuer. Et je me dis ensuite que, quoi qu'on en dise, le pays d'où je viens n'est pas à l'abri de telles insanités quand il est « dirigé » par des politiciens qui se croient tout permis simplement par ce qu'une partie de la population a voté pour eux. Je rêve encore, je garde un peu d'espoir, qu'un jour nous pourrons avoir confiance en la parole de ceux qui disent nous représenter, agir en notre nom. 
Le vote dans l'enveloppe, dans l'autre enveloppe...

En traversant des pays peuplés de citoyens prêts à mourir pour avoir le simple droit de voter pour leurs dirigeants, je me fais un devoir aujourd'hui d'exercer ce droit. Aussi ai-je demandé et reçu mon bulletin de vote pour l'élection provinciale imminente, ici à Istanbul. Je ne vous direz pas pour qui j'ai voté bien que la majorité d'entre vous le sachiez bien. Mais je vous invite tous et toutes à voter avec votre cœur. Indépendamment des partis, votez pour la personne en qui vous pensez pouvoir avoir confiance, qui travaillera réellement au mieux-être de votre collectivité et pas seulement pour un petit groupe d'intéressés. Cette pause « engagé » n'a été payé par personne!
Sarajevo
Pour arriver à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, nous avons opté pour ce qui nous semblait une petite route. À peine sorti de la région « métropolitaine » de Belgrade, que nous roulions déjà dans les montagnes, les fameux « Balkans ». Juste avant de sortir de la Serbie, nous avons traversé le village d'Émir Kusturica, célèbre réalisateur/comédien serbe, oh surprise! né à Sarajevo. On s'est arrêter, le temps d'un thé, sans réussir à y trouver de marque particulière à l'illustre personnage.
Le long de la route de Sarajevo

En arrivant à la frontière Serbe/Bosnie-Herzégovine, le très peu sympathique douanier Bosniaque est resté intraitable quant à la « carte verte » que nous n'avions pas pour la moto de Deniz. On a dû débourser les €25 pour une assurance valide trois jours seulement . À partir de là, la route suit le lit d'une magnifique rivière au creux des montagnes et est traversée d'une succession de tunnels bien souvent dépourvus de lumière, ce qui rend la conduite surréaliste tellement le contraste est fort par cette journée ensoleillée. On ne distingue plus que les lignes sur la chaussée. Plus qu'une centaine de kilomètres dans ce paysage majestueux avant d'arriver finalement en plein centre de la vieille ville de Sarajevo. 
Un tunnel après l'autre

On ressent immédiatement le choc culturel en entrant à Sarajevo. L'empreinte de l'empire Ottoman est omniprésente partout, dans l’architecture comme dans la gastronomie. Les mosquées pointent leurs minarets quelque soit la direction vers laquelle se tourne notre regard. Le café « bosniaque » est préparé et servi de la même façon que le turc, mais, par politesse, il serait mal avisé de le leur faire remarquer. Complètement sous le charme de cette ville, et, disons le, épuisés par nos trois premiers jours de randonnée, nous avons décidé, sans avoir besoin d'en discuter longuement, d'y passer deux autres nuits. Ça nous a permis d'explorer un peu cet endroit charmant, qui s'étale harmonieusement aux flancs des montagnes, scindé en plein cœur par une rivière cristalline qui prodigue une fraîcheur apaisante pendant ces jours caniculaires.
Le réservoir Zlatarsko

Notre but étant de s'arrêter dans la capitale de ces pays qui portent toujours les stigmates d'un conflit pas si lointain, distance oblige nous avons dû faire une halte à Sjenica, une toute petite ville serbe en direction de notre prochaine destination, Pristina, la capitale du Kosovo. Une petite pause baignade s'imposait, quand nous avons longé le réservoir de Zlatarsko jezero. Il faut dire que par 35°C, même avec le refroidissement éolien dû à la moto, en apercevant l'eau turquoise les motos se sont pratiquement arrêtées toutes seules. C'est en traversant Sjenica qu'un jeune français, dont les parents Serbes originent du-dit village, nous a gentiment apostrophé lorsqu'il a vu ma plaque d'immatriculation et m'a pris, à tort, pour un de ses compatriotes. J'ai eu tôt fait d'expliquer la méprise et il fut d'autant plus enclin à nous escorter directement au meilleur hôtel du village. Il a même pris le temps d'expliquer au tenancier unilingue serbe notre provenance et nos besoins. Nous y avons passé une excellente soirée, une nuit bien reposante dans cet endroit calme et champêtre .
Chantier laissé en plan à Pristina

Notre passage à Pristina ne fut pas des plus mémorable. C'est une très petite « capitale » (un peu plus de 200 000 âmes) et tant l'architecture que la gastronomie y sont très « ordinaires ». Les affres de la guerre encore récente y sont palpables dans les lieux comme dans les âmes.
Pour une raison diplomatique, nous avons décidé d'éviter la Macédoine, les informations sur les procédures d'entrée que nous avions faisant état de l'obligation de se procurer une assurance temporaire, ça devenait inutile et coûteux puisque nous n'avions pas l'intention de nous y arrêter de toute façon. Nous souhaitions nous rendre jusqu'à Bansko,en Bulgarie, en quittant Pristina. Les formalités douanières étant déjà assez laborieuses là où plusieurs frontières se frottent, on a préférer repasser par le petit bout de Serbie qui s'étire au bas de la carte. Encore une fois, la route empruntée serpentais joyeusement au creux des montagnes en longeant de superbes rivières, une randonnée extraordinaire pour se rendre jusqu'à Bansko. Le douanier bulgare nous a, par contre, retenu un peu trop longtemps, jusqu'à ce qu'on arrive à lui expliquer que OUI c'est possible de traverser trois pays le même jour en empruntant des petites routes dans les montagnes avec nos fougueuses montures. Il était particulièrement suspicieux envers Deniz : de voir une jeune rouquine Turque conduire une BMW ne fait partie de sa clientèle habituelle.
Bansko et le mont Pirin
Bansko est une station touristique hivernale hautement prisée par les skieurs. Sise au pied du mont Pirin et du parc national du même nom, le nombre d'hôtel de toutes catégories y est impressionnant. En plein été la municipalité organise un sympathique festival « international » de jazz et on y trouve à se loger dans des palaces pour une bouchée de pain. 

La scène extérieure du festival de jazz
La petite ville regorge aussi d'une multitude de délicieux restos bataillant pour s'attirer la clientèle en offrant la meilleure gastronomie bulgare à prix dérisoire. En pratiquant mon yoga matinal, après un copieux petit-déjeuner, CLAC!, quelque chose a céder dans le bas de mon dos et je me retrouvais incapable de me relever. Hors de question de partir à dos de moto! Imaginez un peu : obligé de rester cloué dans un hôtel qui a un spa, une piscine, des shows de jazz au programme à tous les soirs, dans une ville délicieuse et gourmande, avec un décor alpin en arrière-plan. Quel supplice! J'ai dû abuser des services de l'excellent masseur de l'hôtel.
Délice bulgar

Après cinq jours de ses traitements, j'étais en mesure de mettre ma besace sur le dos de ma Marseillaise et de parcourir une bonne centaine de kilomètres, jusqu'à Kardzhali. On ne s'attendait à rien de particulier de cette petite ville, mais sur la route magnifique qui longe la frontière Grèque, nous avons compté une bonne trentaine de kilomètres où les habitants font pousser des pierres. Partout, dans les villages autant que sur de grandes distances inhabitées, des kiosques de pierre à vendre, comme pendant la saison des fraises ou du maïs. De la pierre plate, brun/roux ou anthracite, empilée sur des palettes, prête à partir pour parer votre maison, votre jardin.


À Kardzhali, je crois qu'il n'y a que deux hôtels. Le premier est un gros édifice gris qui date de l'ère soviétique et l'intérieur ne semble pas avoir bougé depuis la chute du mur non plus. Même la rombière assise derrière le comptoir de la sombre réception doit y être depuis sa tendre enfance. Elle tenait mordicus à garder nos passeports. Ce document étant dédié à l'usage des douaniers, nous utilisons une petite photocopie couleur plastifiée dans tous les lieux qui en font la demande et qui ne sont pas gouvernementaux, pour éviter une petite forme d'arnaque assez commune dans certain pays. J'ai eu beau lui montrer les originaux, la rombière n'a rien voulu entendre. Elle tenait absolument à ce que je les lui laisse. Mon sang de rebelle n'a fait qu'un tour et nous somme partis trouver un endroit plus accueillant. Après avoir tourné un peu en rond dans la ville, on a fini par dénicher un petit hôtel charmant, rococo comme c'est pas possible, où le personnel avenant parlais même le turc, et qui nous a chaleureusement reçu.
La récolte de pierre a été très bonne cette année

Le lendemain, nous nous rendions à Edirne, ville-frontière Turc, aux abords de la Grèce et de la Bulgarie. Pour éviter la cohue du gros poste-frontière entre la Bulgarie et la Turquie, on avait dénicher une petite route qui passait d'abord par la Grèce pour ensuite traverser en Turquie, directement à Edirne. En théorie, pas de problème puisque la Grèce et la Bulgarie font parti de l'espace Schengen, donc pas de douane. En arrivant à la dite frontière, il y a un petit poste de douane. La police bulgare n'a pas d'inconvénient à nous laisser sortir mais la grecque ne veut rien entendre : il faut obligatoirement avoir un passeport européen pour pouvoir franchir cette barrière. J'ai eu beau supplié le gendarme, le menacé d'en référer à l'ambassade canadienne; rien à faire! Mon sang bouille! Entre temps les policiers bulgares s'emparent de nos documents (passeports et immatriculations) et décident de procéder à une vérification. Je tape du pied devant la « cabane » : on a tout de même un détour de 70 km à se taper pour contourner cette pointe de « graisse » à cause de cette improbable poste-frontière, alors ne nous retardez pas en plus!! J’exècre au plus haut point ces abus de pouvoir de petits fonctionnaires, mais ça doit certainement faire partie des épreuves que j'ai à passer pour acquérir la patience et la tolérance du sage...?
Şerafettin et Deniz

Finalement arrivé à Edirne, où Şerafettin nous attendais. Şerafettin est un ami de longue date de Deniz et il connait Edirne et son histoire de fond en comble puisqu’il y est né. Nous avons passé une magnifique soirée en son agréable compagnie, à découvrir les trésors cachés de cette ville à l'histoire chargée, épicentre de l'antique Thrace, lieux où de nombreuses conquêtes, touts empires confondus, se sont dénouées.
Il ne nous restait plus qu'à rouler jusqu'à Istanbul, là où la porte de Başar nous attendait grande ouverte, une fois de plus. Nous avons établi notre quartier général chez cet ami au grand cœur avec qui nous partageons de nombreux points commun, qui nous supporte et nous prête main forte dans la réalisation de notre audacieux projet. Pour ceux qui pensent que nous sommes en “vacance”, dites-vous que d'organiser l'expédition de deux motos par avion depuis Istanbul jusqu'à Bangkok, c'est un travail à temps plein. On a simplement bien choisi notre bureau...
Notre place d'affaire, chez Basar
N'ayez crainte, on vous fera un compte-rendu des opérations avant de s'exiler en Asie!