29 mars 2013

Singapour pour rien



Notre dernière soirée en Thaïlande fut des plus agréables. L'implication de Deniz dans l'organisation d'échanges interculturels AFS lui a permis de se créer un réseau d'amis(es) partout à travers le monde. Nous sommes accueilli de belle façon par ces amis(es) partout où notre route s'adonne à les croiser. 
Deniz, Nada et ses amis(es)
Avant de traverser la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande, nous nous sommes arrêté à Hat Yai pour y rencontrer Nada, une amie AFS de Deniz. La chaleureuse réception fut très réconfortante après la randonnée pluvieuse de la journée passée à traverser la Thaïlande d'ouest en est, dans sa partie sud la plus étroite.
Le lendemain matin nous avions moins de 80 km à parcourir pour atteindre la frontière et faire notre entrée en Malaisie. Au moment de passer la douane Thaï nous avons réalisé que nos motos avaient passé 2 jours de trop en sol Thaï. Pour je ne sais quelle raison les motos ne bénéficiaient que de 28 jours comparativement à nos visas personnels qui eux nous permettaient de séjourner 30 jours. Les officiers en poste ont été intraitables et malgré toutes nos innocentes plaidoiries nous avons dû acquitter les $15 de pénalité réclamés.
À la douane malaisienne

Quelques mètres plus loin, les officiers malais ont rapidement estampé nos passeports et nous ont nonchalamment fait signe de continuer notre route sans plus de formalités, sans même noter les numéros d'immatriculation des motos.

Attention voyageurs : si vous traversé la frontière terrestre de la Malaisie, exigez que les douaniers tamponnent vos Carnets de Passage en Douane. Au moment de sortir du pays, soit à Singapour, soit par bateau vers l'Indonésie, soit par fret aérien, l'estampe d'entrée est obligatoirement requise. C'est en lisant les aventures d'autres motards en vadrouille que nous avons appris ce détail primordial pour la suite de nos péripéties.
La mosquée d'Alor Setar

Notre première halte en territoire malais était prévu pour Alor Setar, petite ville côtière, pas trop loin de la frontière. Après une magnifique randonnée à travers les dédales ruraux, en longeant ensuite la côte autant que possible, nous sommes arrivés, par une chaleur écrasante, dans cette cité surprenante, définitivement musulmane. On avait soudainement l'impression d'avoir été transporté à Istanbul en entendant le chant du muezzin provenant de la somptueuse mosquée qui trône au centre de la ville.
Un temple chinois à Kuala Lumpur
Deniz et Rachelle au pied d'une statue hindou

La Malaisie islamiste regorge de paradoxes. La nombreuse et influente communauté bouddhiste chinoise, exilé ici au fil des transformations de leur mère patrie, cohabite avec une presqu'aussi nombreuse mais beaucoup moins influente communauté hindou. Les plus grandes villes du pays à majorité malaise et islamiste, en plus d'avoir un quartier chinois, ont aussi leur « little India » et les temples dévoués à leurs pratiques religieuses respectives. Pas besoin de vous dire que la diversité culturelle se reflète aussi dans la gastronomie, mais tous carburent à fond au riz blanc. Matin, midi, soir.
La vue de notre balcon au 35ème étage sur l'île de Penang
Après des mois de cavale, à loger dans des « cabanes » en bord de mer, des « guesthouses » ou des petits hôtels « sympa », nous avions envie de faire une pause, de cuisiner, de se sentir un peu comme à la maison. La ville de Georgetown située sur l'île de Penang nous a semblé un excellent endroit pour se faire. 
Le complexe 
En un temps trois mouvements, nous avions réservé un magnifique « penthouse » agréablement meublé et équipé, au 35ème étage d'un complexe d'habitation avec piscine, spa, gym, et tout le tralala, pour une somme très très très raisonnable. Mis-à-part une journée de randonnée pour faire le tour de l'île et nos excursions quasi journalières au marché local pour nous approvisionné en abondance de fruits et de légumes frais, nous n'avons pratiquement pas mis le nez plus loin que le balcon avec vue imprenable, et ce pendant une semaine complète. On a déniché cette bonne affaire par le réseau AIRBNB. Le concept est connu et ça fonctionne drôlement bien. 
Un début de soirée ou on s'arrête pour contempler

Sur l'île de Penang, la ville de Georgetown, sur la côte orientale, ressemble plus à une banlieue avec sa multitude de tours d'habitation. On se demande bien ce qu'ils y font tous? Quelques commerces, mais aucune grande entreprise. Rien pour occuper cette immense communauté en majorité chinoise,
Quand nous sommes parti de Georgetown, nous étions attendu à Kuala Lumpur par d'autres amies AFS de Deniz : Rachelle, et sa maman. Rachelle est née en Malaisie mais sa maman est d'origine chinoise. Rachelle a même séjourné dans la famille de Deniz en Turquie, il y quelques années de cela.
Impossible de ne pas visiter les tours jumelles de Kuala Lumpur
Malgré son exigeant travail, Rachelle nous a concocté une fin de semaine comme une pro GO du voyage, avec un document imprimé pour sélectionner notre programme. 
Deniz, Rachelle et maman
Même les repas étaient prévus pour nous faire découvrir toutes les couleurs malaisiennes et les meilleurs coins de Kuala Lumpur. J'ai dû user de savants subterfuges pour arriver à payer une addition de temps en temps. L'hospitalité et la générosité de cette très modeste famille m'a laissé pantois.

La voie des motos au poste de péage: gratuit pour les 2 roues
La Malaisie est le plus meilleur pays au monde pour les motocyclistes. Non seulement il y a des voies réservées aux motos sur presque toutes les routes du pays, mais sur les autoroutes les motos ne paient aucun péage et disposent d'une voie d'évitement séparée. Il y a des abri exprès pour les motocyclistes pour quand la pluie se met à tomber dru. 
À Kuala Lumpur les autoroutes sont même aménagées avec des accès différents, des panneaux de signalisations aux sorties, des tunnels et des viaducs réservés aux motos : c'est le summum!


Petite rue de Malacca

La côte ouest de la péninsule malaisienne est la plus développée à cause du détroit de Malacca soumis encore aujourd'hui à un intense trafic naval.
En route vers le bout de l'Asie, nous avons fait une très agréable pause à Malacca. La ville fut jadis le plus important port d'Asie que les empires colonialistes se sont tour à tour disputé. Aujourd'hui jolie cité pittoresque, capitale de la province du même nom, le quartier chinois fais même partie du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Sur le pont qui mène au célèbre Marina Sand Hotel de Singapour
Notre objectif étant de nous rendre à Singapour pour les procédures d'immigration de Deniz, nous nous sommes mis en contact avec des « Couchsurfers », Singapour ayant la réputation d'être la ville la plus dispendieuse d'Asie. C'est de cette façon que nous avons fait la connaissance de Joséphine. Joséphine est d'ascendance chinoise, grande voyageuse et « Couchsurfer » émérite. 
Joséphine et Deniz
Après avoir travaillé de nombreuse années à Singapour pour une grande entreprise, elle a abandonné sa carrière pour se mettre au voyage et elle habite maintenant Johor Baru. Un arrêt à Johor Baru s'imposait avant de traverser le pont. Dernière grande ville malaisienne au bout de la péninsule, elle déverse chaque jour des milliers de malais qui vont s'occuper des tâches ingrates aux yeux des singapouriens. Les deux ponts qui relient Singapour au continent servent aussi de douane que doive traverser, passeports en main, tous les travailleurs qui n'ont pas les moyens de vivre sur l'île-ville.
La super ville (avec le super gars et la super moto) vu du port
Nous avons aussi appris que n'entre pas qui veut à Singapour. On subit d'abord le même examen qu'avant d'embarquer dans un avion. Il faut ensuite être prêt à débourser une bonne somme d'argent pour y circuler avec son propre véhicule. Impossible de se présenter à la douane et de penser traverser tout bonnement. 
Singapour downtown le soir

Si on est pas résident, il faut au préalable se procurer des assurances locales et un Permis de Circulation International, qu'on ne peut obtenir que via l'Association Automobile de Singapour, située... au cœur de la ville. Le permis n'est pas exorbitant ($52) mais les assurances elles! Pfouuuu! Minimum 1 mois ($187) et pour dommages au tiers seulement! Ce n'est pas tout. Il faut aussi la petite carte à puce qui permet de passer les péages ($10 rechargeable bien sûr). Jusque là c'est cher mais faisable. Comme on ne prévoyait pas y séjourner plus qu'une semaine, et pour limiter les dépenses, Deniz a accepté de laisser sa monture chez Joséphine à Johor Baru et de monter derrière moi : c'est dur parfois la vie!
Au moment de traverser, les officiers de douane étaient stupéfait de constater que nous avions bel et bien TOUS les documents requis. On a même été traité en VIP puisqu'on a dû emprunter la voie de la zone cargo pour estamper le Carnet. Ils en voient pas beaucoup des motards qui s'aventurent aussi loin!
Le Marina Sand devient un spectacle de lumière le soir venu

À Singapour, on n'a pas trouvé de « Couchsurfer » pour nous héberger pendant une semaine. On a encore fait appel à AIRBNB et trouvé une chambre abordable dans une maison accueillante. Cecilia, une minuscule singapourienne de 48 ans qui n'en paraît que 32, tient presqu'une auberge dans son appartement situé à Katong, un chic quartier à 10 minutes du centre-ville. Je crois qu'on l'a un peu contaminé avec l'idée de voyager et qu'on a aussi transmis le virus à Shane, le co-loc américain.

Entendons-nous que le pays de Singapour est une île, mais surtout un gros centre-ville. Dans le but de restreindre la circulation automobile le gouvernement impose des mesures très coûteuses. Tous les accès de la ville sont parsemés de « portiques » électroniques (ERP) qui collectent les utilisateurs aux heures de grandes affluences. Tous les véhicules sont munis d'un émetteur qu'on doit approvisionner en argent. Pour ce qui est du stationnement, quand on arrive à en trouver un et ce même pour les motos, c'est à des tarifs faramineux. Interdit de se stationner sur la rue! Il faut donc être très très bien nantis pour avoir le privilège de circuler à Singapour. La dissuasion financière est efficace, mais on peut s'interroger sur l'aspect discriminatoire de telles mesures. On ne voit pratiquement que des voitures de luxes sur les rues. Est-ce donc dire que le réseau routier « publique » n'est accessible qu'aux seules personnes les plus fortuné? Pour les résidents de Singapour qui désirent posséder un véhicule, il leur faut d'abord obtenir un permis pour en acheter un : $100 000 pour une voiture neuve, $10 000 pour une voiture usagée. Oui vous avez bien lu : c'est le permis qui coûte ce prix là. Ça n'inclus pas la voiture ou la moto ou … ce que vous voudrez. 

La ville est bien sûr magnifique, bien entretenue, desservie par un excellent système de transport en commun, mais ressemble à un gros centre financier, couverte de gros centres commerciaux climatisés, aseptisée et pas du tout invitante, à moins bien sûr de vénérer l'argent...
Avant de quitter Singapour il fallait retourner le Permis de Circulation et faire endosser le Carnet par l'AAS. Comme les douaniers n'avaient pas estampé la bonne feuille à l'entrée, on a dû attendre plus d'une heure que les préposées de l'AAS s'entendent avec les douaniers pour corriger l'erreur de procédure, et repasser par le même poste de douane.
En constant développement ce géant de la finance
Notre séjour à Singapour ayant pour objectif la demande de résidence permanente pour Deniz, nous nous sommes rendu à la Haute Commission du Canada qui siège là. C'est à Phnom Penh qu'on nous avait informé que les demandes de cette nature ne pouvaient être traitée qu'à Singapour et c'est la raison pour laquelle nous nous y sommes rendu. Le Canada n'a pas de représentation consulaire ni d'ambassade au Cambodge, il est simplement représenté par l'ambassade australienne.
Il appert que les demandes de résidence permanente ne peuvent être faites qu'en envoyant tous les documents et formulaires complétés, par la poste à Mississauga, en Ontario. Nous avons finalement consacré une journée entière à préparer une gigantesque enveloppe pleine des justifications pour lesquelles nous sommes sans domicile fixe (SDF, vagabonds) et pourquoi nous souhaitons revenir nous établir au Québec, de qui nous sommes au juste, puisqu'on ne semble plus s'insérer dans les formulaires en usage.
Presque l'impression d'être dans le décor d'un tournage

Heureux de quitter Singapour après 1 semaine, on est repassé chez l'adorable Joséphine, souper avec elle. Et Deniz reprenant contact avec sa moto.
On retourne lentement jusqu'à Kuala Lumpur puisque Deniz a un rendez-vous à l'ambassade américaine pour sa demande de visa lundi le 1er avril. Espérons que le poisson était d'avance cette année, vu que la baleine administrative canadienne nous a déjà joué un bon tour.
On vise de faire la traversée vers Sumatra la deuxième semaine d'avril, seulement si on a tous les documents requis et l'assurance de pouvoir expédier les motos de Bali jusqu'en Californie.
Les bécanes vont faire un très grand tour de bateau et nous, on se fera pas prier pour se jeter à l'eau chaque fois que l'occasion se présentera. Peut-être pas dans l'eau bouillante des volcans encore en activité sur une des 17 000 îles indonésiennes, mais il paraîtrait que les plus beaux sites de plongée sous-marine au monde se trouve autour de se continent disséminé dans l'océan. On verra bien!