28 janvier 2011

Une p'tite vite

Avant de faire mon entrée en Égypte j' me suis dit que je devais vous en faire une p'tite vite puisque j'ai quelques appréhensions quant à mes possibilités de communication une fois dans ce pays qui se met à vouloir une gestion de ses richesses plus équitable et un nouveau répondant que celui qui s'est accroché les pieds dans les fleurs du tapis depuis plus de trente ans. Je ne sais pas combien de temps j'y passerai. Tout dépendra de ce que je peux y faire et éventuellement les moyens pour en partir. Je veux tenter de trouver un bateau qui nous traversera, moi et ma Marseillaise, de Suez ou d'Hurghada en direction d'Aqaba, une petite pointe de littorale qui appartient à la Jordanie dans le golf du même nom: c'est ma seul façon de traverser sans passer par Israël, car si j'y entre avec ma Marseillaise je ne peux plus entrer dans aucun autre pays arabe aux alentours. On verra bien rendu là!

Je n'ai plus que six cent petits kilomètres à faire pour terminer ma traversée libyenne. Après deux jours et près de mille kilomètres désertiques derrière moi, je n'arrive plus à trouver un centimètre de peau de fesse sur lequel me reposer. J'ai dû piloter au travers de quelques tempêtes de sable et pour ceux que ça intriguerait, c'est pratiquement comme conduire dans une tempête de neige: visibilité réduite à environ 50m par la poudrerie, sauf qu'il fait près de 30°C. C'est une poussière de sable tellement fine qui virevolte partout que j'en ai retrouvé dans des endroits inimaginables. Au lieu d'un rideau blanc c'est un rideau brun et ça colle absolument sur tout! Il est tellement long ce désert que même les dromadaires prennent l'autobus.

La route est droite, très très droite ! Ça devient parfois angoissant quand la petite lumière de la réserve d'essence s'allume. J'ai pas du tout envie de tester la capacité de cette réserve sur la route libyenne. Et je puis aussi vous dire que les conducteurs libyens sont les plus dangereux qu'il m'ait été donné de côtoyer sur une route jusqu'à ce jour. Il faut constamment garder l'oeil ouvert et apprendre à reconnaître LE resto du coin puisque le prochain se trouve souvent à une centaine de kilomètres plus loin. Ça laisse BEAUCOUP de temps pour la méditation par contre !

Ceci étant dit n'envoyer pas l'armée canadienne à mes trousses si vous n'avez pas de mes nouvelles pendant quelques semaines: je ferai tout mon possible pour vous tenir au fait de mes pérégrinations aux pays qui m'accueillent, mais pas au péril de ma vie, soyez sans crainte.

26 janvier 2011

Brasse camarades

Après le départ de Tunisie de ma fille adorée j'ai ressenti un vide vertigineux à l'intérieur. Il me fallait vite trouver quelque chose pour sortir de cette torpeur. Mon visa pour la Libye, étant assorti de restrictions bien précises, c'était la bonne excuse pour fouetter le motard endormi en moi. J'ai compté jusqu'à trois et je suis reparti sur cette route qui mène vers le désert, celui de la Tunisie pour commencer, ensuite le mien, et puis cet immense désert qui longe le sud-est de la Méditerrané.
J'avais décidé, avant d'entrer en Libye, de faire un petit détour par les villages pittoresques nichés au creux des montagnes qui font un rempart naturel entre ces océans de sable et la côte tunisienne verdoyante. Matmata, avec ses habitations troglodytes, et Tataouine valaient absolument le détour. La route qui mène à Matmata et qui nous ramène ensuite vers Tataouine m'a réconcilié avec moi-même, dans la poursuite de mon aventure, à me replonger dans cette quête intérieur aussi vaste que le désert.




En quittant Tataouine au matin, j'ai aussi quitté les montagnes qui protègent du vent du désert. Les plaines de pierres et de sable laissent au vent une emprise constante, tel un tyran qui n'aura jamais d'opposition, qu'on manifeste ou pas. Et ce matin-là le vent aurait sans doute écorné les gazelles qui s'y seraient trouvées. Mais j'étais le seul motocycliste à oser défiler sur cette ligne droite de bitume parcourue par des frissons de sable aux allures brumeuses.  J'avais pour objectif de dormir à Tripoli. J'ai eu la sagesse de me réserver assez de temps pour passer au travers des formalités frontalières. Je ne parle pas arabe et les douaniers libyens ne parlent ni français ni anglais. J'ai eu beau m'obstiner (pas trop longtemps tout de même, question de ne pas les impatienter...) ils m'ont obligé à louer une plaque d'immatriculation libyenne pour $189 dinars libyens dont $100 me seront remboursés en rendant la plaque au sortir du pays.

C'est même le grand général du poste frontalier qui m'a expliqué clairement, dans son bureau et en bonne anglais, que c'était la loi libyenne; j'ai, encore une fois, eu la sagesse d'accepter ces arguments convainquant.
On m'a donc remis une plaque sans aucun trou en me faisant comprendre qu'il était impératif qu'elle soit fixée sur le derrière la Marseillaise. Les policiers ont été fort surpris de me voir sortir tout ce qu'il fallait pour y faire un trou et la fixer TRÈS solidement par-dessus la plaque française.
Je n'ai pas de carte routière pour la Libye et le GPS ne fonctionne pas sous cette zone pour diverses raisons que j'imagine politiques et économiques. Il n'y a, de toute façon, pratiquement qu'une seul route qui traverse toute la Libye de part en part et qui longe plus que moins l'océan.
Et malgré le fait que toute la signalisation ne soit qu'en arabe, j'ai fini par aboutir à Tripoli à une heure plus qu'acceptable compte tenu de la distance parcourue et de la circulation circassienne. Fidèle à mon habitude, j'ai fait une pause d'une journée complète, après trois jours continus et plus de mille kilomètres dans le corps (et le cul).
Les libyens sont d'une grande gentillesse et très attentionnés envers les rares touristes qui s'aventurent chez eux. L'avenir changera peut-être, ici aussi, l'intérêt pour cette destination peu fréquentée mais remplie de ressources surprenantes. Les libyens manifestent fréquemment et bruyamment leur admiration pour ma rutilante et rare monture: je semble être une espèce peu aperçue dans cette partie de l'Afrique du nord.
J'apprend un peu tous les jours, comme vous sans doute, la situation bouillonnante de l'Égypte, qui s'apparente beaucoup aux récentes tribulations tunisiennes.
 Permettez-moi de vous rassure immédiatement: je n'ai nullement l'intention d'aller brandir une pancarte dans une foule revendiquant ses droits et libertés, tout à fait légitimes soi-dit en passant, mais je n'ai pas de meilleurs options pour traverser ces régions pour me retrouver en Turquie au moment souhaité. Alors n'ayez craintes je serai très prudent...bon là! Avouez tout de même que le timing est plutôt étrange: ce sont des évènements disons assez marquant pour notre époque et j'ai le privilège d'y assister en direct. Je vous promet quand même de vous partager une vision différente de ce qui vous sera transmit par les médias officiels, alors restez à l'écoute...et n'hésitez pas à me transmettre vos commentaires.

21 janvier 2011

Petit imprévu (révolutionnaire)




 Même si j'avais voulu le mettre dans les choses à vivre durant mon voyage, je n'y serais probablement jamais arrivé; assister à une révolution en direct ne faisait pas parti de mes projets, je vous le jure! Que ça tombe au même moment où j'avais choisi de traverser le pays avec ma fille pour aller faire une petite ballade dans le désert l'était encore moins. En y songeant bien c'était sans doute la façon la plus singulière de participer. On s'entend que, en tant qu'étrangers, nous n'éprouvions aucunement le désir de prendre une part active au feu de l'action. On a donc opté pour le rôle des touristes innocents qui sont témoins d'un grand moment de l'histoire d'un tout petit pays. Un petit pays qui finira peut-être par être l'exemple pour le reste de l'Afrique au grand complet, voir de tous les pays qui voudraient s'offrir un peu de droits et libertés. Il aura quand même fallu que du sang soit versé et, entendons-nous bien, tous les tunisiens ne s'entendent pas sur le résultat final de l'opération. Je vous évite l'analyse politique profonde et je laisse l'avenir s'exprimer sur les tenants et les aboutissants. Je m'en tiendrai aux faits de notre excursion en territoire révolutionnaire.


Comme Lili Rose et moi disposions d'une chambre vacante dans notre somptueuse demeure, Annie, une gentille fille de Trois-Rivières, a décidé de se joindre à nous pour ses vacances improvisées. Étant nouvellement membre de Couch Surfing (vous irez voir, c'est très intéressant: http://www.couchsurfing.org/ ) je me suis dit qu'il fallait contribuer tout de suite, quand j'en ai l'occasion.
Nous étions donc déjà trois à vouloir faire une méharée (excursion dans le désert à dos de dromadaire). Un «ami» tunisien s'est aussi offert de participer au moment de l'organisation. En divisant les dépenses à quatre (voiture, essence, etc...) le petit voyage s'annonçait très convivial. À la veille de notre départ les bavures policières et les manifestations conséquentes avaient débutées: nous avons reconsidéré notre projet. Au final de la discussion nous avons décidé d'aller de l'avant en se disant qu'au pire des cas les autorités nous intimerais de rebrousser chemin. Le matin du départ notre «ami» tunisien s'est transformé en patriote et nous a fait savoir qu'il débarquerait à Sfax, dernière grande ville du sud tunisien.
Nous avions rendez-vous à douze heure avec Mohamed et Mohamed, à douze kilomètres de Douz, mardi le onze; il était moins une pour le reste de la Tunisie. C'est pendant que Mohamed, le seigneur du désert  http://mbseigneurdudesert.blogspot.com/ , nous préparait un couscous de roi que le peuple tunisien apostrophait son dictateur persévérant et acharné. Au moment ou nous nous sommes endormi sous la tente berbère dressée dans le désert, la populace de toutes les villes et villages descendait dans la rue réclamer sa liberté. Quand le jour s'est levé les Mohameds avaient déjà fait le feu et pétrit la pâte pour que nous puissions déjeuner d'un délicieux pain cuit dans le sable chaud. À midi (12h) le douze, nous quittions Zafrane, à douze kilomètre de Douz, et prenions la route pour sillonner le sud tunisien vivant son ultime jour sous le joug de Ben Ali et de sa roturière. 
Après avoir traversé le Chott El Jérid (immense lac de sel) nous avons trouvé Tozeur encore fumante des éclatements de la veille, l'écho des revendications résonnant encore sur les murs de la ville. Le lendemain, il fallait bien reprendre la direction de Tunis. Nous avions encore une journée entière et une nuit/étape à jouer les touristes innocents sur la route qui traverse les montagnes. Un peu avant d'arriver à Gafsa des voitures nous faisaient signe de rebrousser chemin. Un chauffeur de mini-bus compréhensif nous a pris sous son aile et nous a dit de le suivre afin d'éviter le centre-ville en pleine démonstration de ras-le-bol: encore maintenant je serais bien incapable de refaire le chemin que nous avons emprunté à travers un dédale de ruelles inextricables, mais nous sommes aboutis de l'autre côté de la ville, sur la route que nous tentions de rejoindre. C'était une route minuscule sur la carte routière, qui nous évitait de s'engouffrer dans les villes trop agitées. Cette route nous a permis de contempler des paysages montagneux ma foi extraordinaire, de traverser des petits bleds vibrant à un autre rythme. Voyez par vous-même:



Nous avons pénétré dans Sfax, avant la tombée de la nuit, une grande ville barricadée, tendue comme si elle retenait son souffle. Quand nous sommes descendu au restaurant de l'hôtel, la salle était remplie et rivée à l'écran de télé qui diffusait le désormais célèbre dernier discours du tyran déchu, promettant encore de plus grosses miettes. Son appareil de propagande est immédiatement entré en action et la moitié de la ville est sortie dans la rue célébrer la fin supposée de cette épisode trouble. En revenant à Tunis le lendemain nous apprîmes qu'il en fût tout autrement dans la capitale et que le despote avait pris la fuite, avec sa famille et un trésor important, quelques heures seulement après son allocution laissant le pays avec un dilemme démocratique de taille.
Les derniers jours de vacance de mes colocs ont été chômés : le couvre-feu s'appliquant dès 17h tous les jours, il était hors de question de partir à l'aventure. Les premiers jours post-révolutions ont été vécus dans une sorte d'incertitude, d'hésitation méfiante. Le fuyard ayant sans doute l'intention de récidiver, avait laissé ses sbires derrière lui. Son ex-police secrète s'est transformée en petites milices armées qui se sont misent à piller et semer la terreur le soir venu. Il aura fallu quelques jours pour que les citoyens s'organisent et, avec l'aide de l'armée, sécurisent la majeure partie du pays. Nous avons donc occupé nos derniers jours à dénicher les petites épiceries du quartier qui ouvraient leurs rideaux de fer quelques heures pour s'approvisionner de l'essentiel.
En ce qui concerne la suite de mon périple j'avais commencé, dès mon arrivée en Tunisie, les démarches pour obtenir un visa qui me permettrait de traverser la Libye du colonel Kadafi. Ce fut donc après un mois et demi de harcèlement et toujours munie d'une insistance courtoise, que le préposé de l'ambassade a fini par cédé: il a consenti à m'accordé le dit visa. Il semblait être un peu excédé de voir ma face bardé de mon plus beau sourire assidûment devant son bureau . Je dispose de deux semaines seulement pour arriver en Égypte, en parcourant plus de 1700 kms de côte libyenne. J'aurai juste assez de temps pour m'arrêter deux jours à Tripoli si je ne veux pas avoir à rouler sans arrêt pour le reste du pays.
Je viens à peine de retourner mon petit paquet d'amour, ma fille adorée, à sa maman, qu'elle me manque déjà. J'essaierai de faire en sorte qu'il n'y ait pas une révolution à chacune de nos rencontres, ça fait un peu trop d'émotions fortes en même temps. Mais je ne promet rien...