13 juillet 2012

Rencontres aux sommets




Deniz m'attendait à la sortie de l'aéroport d'Istanbul. Mais il y avait aussi un monsieur en chemise blanche et cravate qui avait mon nom d'écrit sur une pancarte. C'était le représentant de l'agence de location de voiture. Avant de partir de Montréal j'avais fait une réservation par l'entremise d'une agence Grec et on m'avait assuré que tout se passerait « bien ». Et bien tout s'est effectivement « très bien » passé, avec la voiture. Deniz et moi étions super excités de nous retrouver après plus de trois mois de séparation qui ne devait qu'être deux. Le gentil monsieur en chemise blanche et cravate nous a conduis à la voiture, qui correspondait en tous points à ce qui avait été demandé. Le temps de « bien » faire les formalités et nous roulions vers le centre-ville d'Istanbul, chez Çoşkun le cousin de Deniz,grand ami et amateur de moto, et de voyage aussi.
Toute la Turquie me revenait soudain dans la tête, dans les tripes : la façon rocambolesque de conduire, le soleil, le thé et la femme que j'aime tout près de moi. 
Les génies dans la théière

Ça urgeait d'arriver! J'avais de la difficulté à détacher mes yeux des siens et le trafique dense m'empêchait d'assouvir ma soif de la regarder. Nous avions tant de choses à nous raconter! J'avais encore les avant-bras remplis des trous faientpar la multitude d'aiguilles poussées par la gente médicale dans mes veines endurcies par tant d'intrusions, que nous nous élancions déjà dans le tumulte de la rue Iskitlal pour retrouver des amis(es) devant un festin aux saveurs et aux arômes délicieusement Turc. Les trois jours trop courts passé à Istanbul présageaient d'un séjour torride, dans tous les sens. Les nuits moites laissant nos cerveaux un peu nimbés au petit matin, le soleil du jour plombant qui nous pousse pesamment dans les petits lieux feutrés et climatisés où il fait si doux de prendre le thé.  
Le lac Eĝirdir



Deniz avait un rendez-vous à l'ambassade d'Autriche à Ankara pour renouveler son visa et attendait des indications pour son mémoire de maîtrise. En parcourant la route entre Istanbul et Ankara, nous avons traversé encore une fois Beypazari, que nous avons élu ville mythique tellement nous l'avons traversé souvent, et si intense on été les moments que nous y avons vécus. Le retour dans le petit logement qui a vu naître notre amour il y presque un an était aussi empreint de doux souvenirs.
Un des buts de notre séjour était de rendre visite à sa maman, que je fasse sa connaissance, que je découvre la maison où elle a grandi à Kuşadesi, près d'Izmir. Comme rien ne nous retenait plus dans la capitale, nous sommes partis le surlendemain en faisant un grand détour vers le sud, question de s'offrir quelques jours en amoureux à Kaş. Nous en avons profité pour vider les « quelques effets » qui lui appartenaient encore dans le logement d'Ankara pour déposer ça chez maman. La voiture pleine à craquer, nous avons fait un premier escale à Eĝirdir, un grand lac à mi-chemin entre Ankara et la mer Méditerrané. Comme avec la moto, on emprunte les routes secondaires qui sont cent milles fois plus jolies et agréables que les autoroutes, tous pays confondus. Mais dans le cas de la Turquie, c'est spectaculaire et on évite ainsi les “pilotes” Turcs, nombreux à tester leurs habiletés sur les “highways”, pour voir si leur voiture peut voler.
L'hôtel à  Kaş


Je me retrouvais donc, un ans plus tard, encore une fois au même endroit puisque Kaş fut un des moments fort et plaisant du périple fait en compagnie de Lili Rose. Deniz commence d’ailleurs à être à court d'endroits à me faire découvrir en Turquie. Et pas seulement Deniz en fait. Tous mes amis(es) Turcs qui voudraient bien me faire connaître un petit coin de leur magnifique pays sont perplexes de ne pouvoir dénicher, dans la Turquie occidentale, un lieu qui m'est inconnu. Il me reste bien sûr tout l'est à parcourir, la portion majoritairement peuplée par les Kurdes, qui, soit dit en passant, revendiquent aussi leur indépendance mais de façon beaucoup plus extrême que les québécois. Mais comme les révolutions semblent me suivre à la trace (ou c'est moi qui m'y précipite?) j'évite encore ce coin-là pour l'instant. 
Canyonnage


J'ai ainsi fait découvrir à Deniz le modeste mais sympathique petit hôtel que Lili Rose et moi avions beaucoup aimé l'an passé. Situé pratiquement au dessus de la mer, on a même pas besoin de mettre nos gougounnes pour aller plonger dans l'eau turquoise et limpide, pour s'y prélasser paresseusement toute la journée quand le soleil nous tabasse durement. À quelques enjambées du centre-ville qui s'anime joyeusement quand le soir vient, c'est vraiment le meilleur endroit. Le gentil Hassan était encore là pour nous accueillir, surpris de m'y revoir avec une autre femme ravissante, mais sans moto cette fois. Une journée de kayak précédée d'un après-midi de canyonnage étaient des activités propices à mon rétablissement progressif.
En direction de Kuşadesi une escale, même deux, s'imposaient. Un “petit” détour de 200 km pour voir Datcha, tout au bout de la péninsule qui sépare la mer d'Égée de la mer Méditerrané, aura permis à Deniz de me faire découvrir un lieu que je n'avais pas encore visité dans la Turquie occidentale. Il y a, en temps normal, un traversier qui relie Datcha à Bodrum, là où nous avions maintenant rendez-vous avec Sema, la maman de Deniz. On y passerait un peu de temps chez des amis de la famille avant de se rendre à Kuşadesi, où elle habite. Mais suite à un incident récent le service de traversier était interrompu. Ça nous a obligé à parcourir les 200 km par la route plutôt que de faire l'agréable petite croisière de deux heures que nécessite la traversée. 

Deniz et Sema

Ma rencontre avec Sema n'aura pas été le moment de joie partagée que j'avais souhaité. Les projets de Deniz avec moi ne correspondent pas du tout à ce qu'elle avait “prévu” pour Deniz. Le choc des générations et des cultures aura occupé la majeure partie de nos échanges. J'éprouve beaucoup de compassion pour cette femme courageuse qui doit maintenant accepter les choix des ses “filles” chéries, devenues femmes, adultes elles-mêmes. L'acceptation étant généralement un processus long et souffrant, son cheminement s'annonce ardu. Souhaitant profiter le plus possible des “derniers” instants à passer avec Deniz, j'ai tenté de leur laisser autant d'intimité qu'elles le désiraient. Jusqu'au moment d'embarquer dans l'avion qui nous ramenait vers l'Autriche, j'ai aussi essayé de rassurer Sema quant à ma détermination à veiller sur Deniz de mon “mieux”. Le temps et l'amour s'occuperont du reste.
Deniz et Tesla


Dès le premier jour de notre retour en Autriche nous avons commencé les recherches afin de trouver la moto idéale pour Deniz. Et comme si la vie approuvait notre projet, la première bécane qui correspond en tous points à ce que nous cherchons se trouve tout près, à Graz, et la sympathique propriétaire est disponible dans l'heure à nous la présenter. C'est le coup de foudre pour Deniz qui fait l'essai d'une BMW F650 GS bleue pour la première fois de sa vie: ses premiers «pas» à moto étaient sur une petite 125 cc, dans un stationnement à Ankara. Pour moi, une 650 GS 2003 avec 16000 km au compteur, en parfaite condition et toute équipée des valises, c'est une aubaine! Pourquoi chercher plus loin? Afin d'obtenir l'immatriculation, j'ai dû renoncer à faire comprendre au fonctionnaire autrichien nos plans futurs concernant la moto. Après 1 an, nous tomberons donc dans un vide administratif interstellaire quant aux cadres légaux autrichiens. On avisera en temps et lieux...
Heureuse motocycliste


Le fait d'avoir trouver la «bête» de Deniz aussi rapidement nous permet de commencer son entraînement plus tôt et les premiers jours ont été difficile autant pour Deniz que pour la moto. Avant de maîtriser l'équilibre dans diverses situations, Deniz et Tesla (ce sera le nom de la moto) ont mangé du bitume et de la terre à quelques reprises. Deniz en avait des crampes tous les matins avant de partir à l'entraînement. À la fin de la première semaine une grande randonnée et un peu de repos s'imposent.
Deniz et Duygu

Nous partons rendre visite à Duygu, la sœur de Deniz, qui est en stage à Munich pour trois mois. Question de garder le rythme de l'entraînement, nous empruntons les petites routes à travers les Alpes autrichiennes pour se rendre jusqu'à Salzburg, première étape du périple. Après avoir grimpé à 2000 m d'altitude sur la petite route sinueuse, jusqu'au sommet du col de St-Pierre-Sölkpass-Murau , pris quelques photos avec les névés qui s'attardent là encore en juillet, les éclairs, le tonnerre et la pluie sont venus agrémenter la fin de notre descente. Rien de tel qu'une douche froide pour peaufiner l'apprentissage!
Névé au sommet: 2000m!

Stationnement de BMWs


Deniz était fourbue et trempée en arrivant à Salzburg, où nous avons passé la nuit. Notre visite à Munich n'aurait pas été complète si nous n'avions pas fait un saut chez BMW Motorrad à Munich: le temple s'offrait à nous, impossible de ne pas s'y arrêter! Pour le retour à Graz, on a fait le détour par le Tegernsee et le Gerlos Alpenstrasse: des paysages à couper le souffle. Tellement qu'on avait plus du tout envie de rester à Graz jusqu'à notre départ officiel. On a donc décidé d'aller passer une douzaine de jours en Italie, de descendre jusqu'en Toscane en commençant par Trieste tout au bout de l'Italie.
Ricardo à Trieste

Deniz a repris contact avec un ami qu'elle n'avait pas vu depuis 10 ans, qui s'adonne justement à avoir emménagé récemment à Trieste pour 1 an: quelle coïncidence vous ne trouvez pas? Ricardo connaît plein de gens qui habitent justement au cœur de la Toscane, dans le Chianti: drôle de coïncidence vous ne trouvez pas?