21 janvier 2011

Petit imprévu (révolutionnaire)




 Même si j'avais voulu le mettre dans les choses à vivre durant mon voyage, je n'y serais probablement jamais arrivé; assister à une révolution en direct ne faisait pas parti de mes projets, je vous le jure! Que ça tombe au même moment où j'avais choisi de traverser le pays avec ma fille pour aller faire une petite ballade dans le désert l'était encore moins. En y songeant bien c'était sans doute la façon la plus singulière de participer. On s'entend que, en tant qu'étrangers, nous n'éprouvions aucunement le désir de prendre une part active au feu de l'action. On a donc opté pour le rôle des touristes innocents qui sont témoins d'un grand moment de l'histoire d'un tout petit pays. Un petit pays qui finira peut-être par être l'exemple pour le reste de l'Afrique au grand complet, voir de tous les pays qui voudraient s'offrir un peu de droits et libertés. Il aura quand même fallu que du sang soit versé et, entendons-nous bien, tous les tunisiens ne s'entendent pas sur le résultat final de l'opération. Je vous évite l'analyse politique profonde et je laisse l'avenir s'exprimer sur les tenants et les aboutissants. Je m'en tiendrai aux faits de notre excursion en territoire révolutionnaire.


Comme Lili Rose et moi disposions d'une chambre vacante dans notre somptueuse demeure, Annie, une gentille fille de Trois-Rivières, a décidé de se joindre à nous pour ses vacances improvisées. Étant nouvellement membre de Couch Surfing (vous irez voir, c'est très intéressant: http://www.couchsurfing.org/ ) je me suis dit qu'il fallait contribuer tout de suite, quand j'en ai l'occasion.
Nous étions donc déjà trois à vouloir faire une méharée (excursion dans le désert à dos de dromadaire). Un «ami» tunisien s'est aussi offert de participer au moment de l'organisation. En divisant les dépenses à quatre (voiture, essence, etc...) le petit voyage s'annonçait très convivial. À la veille de notre départ les bavures policières et les manifestations conséquentes avaient débutées: nous avons reconsidéré notre projet. Au final de la discussion nous avons décidé d'aller de l'avant en se disant qu'au pire des cas les autorités nous intimerais de rebrousser chemin. Le matin du départ notre «ami» tunisien s'est transformé en patriote et nous a fait savoir qu'il débarquerait à Sfax, dernière grande ville du sud tunisien.
Nous avions rendez-vous à douze heure avec Mohamed et Mohamed, à douze kilomètres de Douz, mardi le onze; il était moins une pour le reste de la Tunisie. C'est pendant que Mohamed, le seigneur du désert  http://mbseigneurdudesert.blogspot.com/ , nous préparait un couscous de roi que le peuple tunisien apostrophait son dictateur persévérant et acharné. Au moment ou nous nous sommes endormi sous la tente berbère dressée dans le désert, la populace de toutes les villes et villages descendait dans la rue réclamer sa liberté. Quand le jour s'est levé les Mohameds avaient déjà fait le feu et pétrit la pâte pour que nous puissions déjeuner d'un délicieux pain cuit dans le sable chaud. À midi (12h) le douze, nous quittions Zafrane, à douze kilomètre de Douz, et prenions la route pour sillonner le sud tunisien vivant son ultime jour sous le joug de Ben Ali et de sa roturière. 
Après avoir traversé le Chott El Jérid (immense lac de sel) nous avons trouvé Tozeur encore fumante des éclatements de la veille, l'écho des revendications résonnant encore sur les murs de la ville. Le lendemain, il fallait bien reprendre la direction de Tunis. Nous avions encore une journée entière et une nuit/étape à jouer les touristes innocents sur la route qui traverse les montagnes. Un peu avant d'arriver à Gafsa des voitures nous faisaient signe de rebrousser chemin. Un chauffeur de mini-bus compréhensif nous a pris sous son aile et nous a dit de le suivre afin d'éviter le centre-ville en pleine démonstration de ras-le-bol: encore maintenant je serais bien incapable de refaire le chemin que nous avons emprunté à travers un dédale de ruelles inextricables, mais nous sommes aboutis de l'autre côté de la ville, sur la route que nous tentions de rejoindre. C'était une route minuscule sur la carte routière, qui nous évitait de s'engouffrer dans les villes trop agitées. Cette route nous a permis de contempler des paysages montagneux ma foi extraordinaire, de traverser des petits bleds vibrant à un autre rythme. Voyez par vous-même:



Nous avons pénétré dans Sfax, avant la tombée de la nuit, une grande ville barricadée, tendue comme si elle retenait son souffle. Quand nous sommes descendu au restaurant de l'hôtel, la salle était remplie et rivée à l'écran de télé qui diffusait le désormais célèbre dernier discours du tyran déchu, promettant encore de plus grosses miettes. Son appareil de propagande est immédiatement entré en action et la moitié de la ville est sortie dans la rue célébrer la fin supposée de cette épisode trouble. En revenant à Tunis le lendemain nous apprîmes qu'il en fût tout autrement dans la capitale et que le despote avait pris la fuite, avec sa famille et un trésor important, quelques heures seulement après son allocution laissant le pays avec un dilemme démocratique de taille.
Les derniers jours de vacance de mes colocs ont été chômés : le couvre-feu s'appliquant dès 17h tous les jours, il était hors de question de partir à l'aventure. Les premiers jours post-révolutions ont été vécus dans une sorte d'incertitude, d'hésitation méfiante. Le fuyard ayant sans doute l'intention de récidiver, avait laissé ses sbires derrière lui. Son ex-police secrète s'est transformée en petites milices armées qui se sont misent à piller et semer la terreur le soir venu. Il aura fallu quelques jours pour que les citoyens s'organisent et, avec l'aide de l'armée, sécurisent la majeure partie du pays. Nous avons donc occupé nos derniers jours à dénicher les petites épiceries du quartier qui ouvraient leurs rideaux de fer quelques heures pour s'approvisionner de l'essentiel.
En ce qui concerne la suite de mon périple j'avais commencé, dès mon arrivée en Tunisie, les démarches pour obtenir un visa qui me permettrait de traverser la Libye du colonel Kadafi. Ce fut donc après un mois et demi de harcèlement et toujours munie d'une insistance courtoise, que le préposé de l'ambassade a fini par cédé: il a consenti à m'accordé le dit visa. Il semblait être un peu excédé de voir ma face bardé de mon plus beau sourire assidûment devant son bureau . Je dispose de deux semaines seulement pour arriver en Égypte, en parcourant plus de 1700 kms de côte libyenne. J'aurai juste assez de temps pour m'arrêter deux jours à Tripoli si je ne veux pas avoir à rouler sans arrêt pour le reste du pays.
Je viens à peine de retourner mon petit paquet d'amour, ma fille adorée, à sa maman, qu'elle me manque déjà. J'essaierai de faire en sorte qu'il n'y ait pas une révolution à chacune de nos rencontres, ça fait un peu trop d'émotions fortes en même temps. Mais je ne promet rien...

1 commentaire:

Guy a dit...

Bonjour Martin,

J'ai été vraiment heureux d'avoir des nouvelles et te considère privilégié d'avoir été témoin de cet important moment d'histoire.

La Tunisie est un si beau pays !

Quant à la Lybie, tu connais mes réserves et j'aimerais vraiment avoir des nouvelles dans une semaine pile !

À bientôt,

Guy