15 octobre 2012

Bye Bye Turquie

Coucher de soleil sur un des deux seuls ponts qui relient l'Europe et l'Asie

Notre séjour en Turquie s'est prolongé un peu plus que nous ne l'avions prévu. J'ai paressé à vous en faire le récit, mais j'avais besoin d'un peu de recul et de matière pour vous servir quelque chose d'intéressant, de palpitant. Comme notre horaire est plutôt flexible le délai supplémentaire ne portait pas à conséquence. Ça nous aura permis à tous les deux de bien boucler la boucle Turc.
En arrivant à Istanbul, chez Başar, nous avons consacré les premiers jours à rencontrer les amis(es), commencé à faire les premiers pas pour l'expédition des motos, de Istanbul vers Bangkok, notre prochain but. En Turquie, la manière de faire des “affaires” est très particulière: malgré toutes nos tentatives, par courriel ou par téléphone, il nous était impossible d'avoir des réponses claires, des procédures précises, des prix complets, pour l'envoi des motos par cargo aérien. Il fallait s'armer de patience et de persévérence.
De l'autre côté, c'est la fête!
Notre arrivée coïncidait avec le “Bayram”, grande fête musulmane qui correspond aussi avec un long congé pour tous. Başar mourrait d'envie de partager avec nous une aventure motocycliste dans un coin encore inconnu de moi, ce qui s'avère de plus en plus difficile. À la lumière de nos conversations j'ai davantage visité la Turquie qu'un bon nombre de Turcs, incluant Başar. Nous sommes donc parti à l'aventure vers İğneada, dernier village sur le bord de la mer Noire, à quelques kilomètres de la frontière bulgare, en espérant y trouver un coin tranquille pour monter nos tentes et y passer une nuit à être bercer par le doux bruit des vagues. Il semblerait que beaucoup de Turcs aient eu la même idée que nous. En arrivant là-bas en fin de journée, nous avons eu toute la misère du monde à trouver un petit coin relativement calme pour y monter nos tentes et espérer dormir parmi le brouhaha des smalas turques en vadrouille pour le temps d'un weekend sacré. Debout tôt le matin, après une saucette dans la mer rafraîchissante sur la plage encore calme, nous sommes reparti vers Istanbul en empruntant une route différente. On voulait tous les trois tester un peu nos habiletés et nos motos sur des routes moins fréquentées, plus rudimentaires. Notre cartographie indiquait clairement des chemins praticables mais ne faisait pas mention de la multitude de possibilités qui pouvaient s'offrir à nous tout au long du parcours. Après de nombreuse tentatives, hésitations, espoirs, les sentiers devenaient plus rocailleux, moins définis et notre direction hautement approximative.
Nos sauveurs, leurs amis et les motos
Je fut le premier à faire une chute: pas trop de dommages. Trois Turcs se baladant sur deux motocross parce qu'ils en avaient bousillé une (des vrais, conçus pour là où il n'y a pas de route), surgirent sur le sentier pour nous prêter main forte. Ils nous proposent de nous raccompagner dans la bonne direction mais ils veulent d'abord nous faire découvrir une petite plage où ils se rendaient justement pour se rafraîchir. Deniz est fatiguée, Başar et moi suivons tant bien que mal ces pros du hors route. Deniz finit par faire aussi une chute, sans trop de dommages, mais compte tenu de sa fatigue et de son manque d'expérience elle préfère confier sa moto à Murat (qui à bousiller la sienne un peu plus tôt) et de monter derrière Ersin. Pour accéder à la plage en question il nous a fallu descendre dans un ravin escarpé comme le visage d'un russe alcoolique et centenaire. Pour Başar et moi, impensable d'en ressortir chargé comme nous l'étions, avec nos deux grosse “machines”. Les pros nous ont tiré de là comme si c'était un exercice de débutant. On a retrouvé la route de bitume avec soulagement et nous sommes rentrés à Istanbul ventre à terre, juste à temps pour éviter la nuit noire, mais pas sans avoir pris le temps d'offrir un thé et de remercier nos trois sauveurs.
Pour passer le temps à Istanbul il y a tellement à voir, et le meilleur moment c'est bien sûr au coucher du soleil

Au terme de notre première semaine à Istanbul, Deniz s'envolait à Izmir pour passer “quelques jours” avec sa maman: en Turquie il en coûte pratiquement la même chose de parcourir les grandes distances par avion que par bus, surtout si on se rend d'une grande ville à une autre. Pendant que Deniz et sa maman prenaient soin l'une de l'autre, j'avais plusieurs petites réparations et entretiens à faire sur les motos, suffisamment pour m'occuper pendant “quelques jours”. Il y avait aussi mon dos qui requérait des services “spécialisés” suite à mon épisode de lumbago en Bulgarie.
Avec l'aide d'une amie de Deniz, Iksan, qui est médecin, on a déniché un ostéopathe qui travaille thérapeute neuro-musculaire. Une amie CouchSurfeuse à moi, Ebru, qui est aussi professeure de pilâtes m'a accompagné au premier rendez-vous. J'avais des exercices quotidiens à exécuter et au final, le traitement semble avoir réussi.
Pendant cette période, puisque Deniz avait décidé de prolonger son séjour à Izmir, j'ai eu le temps de dénicher un très sympathique et chaleureux fabricant/marchand de valises de moto. Celle de gauche sur la moto de Deniz a perdu la vie lors de sa chute et de remplacer une seule valise de plastique BMW par un ensemble complet de valises en acier inoxydable nous coûtait à peu de chose près le même prix. Je ne savais pas trop quoi offrir à Deniz pour son anniversaire.
Selim, sa blonde, Bora, la moto et les nouvelles valises
Le choix a été simple, sans compter que Selim et Bora de Globe Scout sont des mordus d'expéditions de motos, qu'ils m'ont entièrement réparé ma valise à moi un peu amochée et qu'ils ont été des plus serviables et de bons conseils dans toutes nos démarches. L'installation était prévue pour la mi-septembre à cause de leur carnet de commande qui s'allonge rapidement tellement leur produit est d'excellente qualité. Si vous passez en Turquie et que vous pensez à changer vos valises de motos c'est indiscutablement avec eux qu'il faut faire affaire.
La vallée de la montagne trois couleurs, entre Nalihan et Beypazzari

Quand Deniz revenait d'Izmir, il lui restait son mémoire de maîtrise à aller présenter à l'Université Technique du Moyen Orient, à Ankara. On s'y est rendu en moto, bien-entendu, et on a encore emprunté la magnifique route qui traverse la vallée entre Nalihan et Beypazzari.
Deniz devient Maître
Les autorités et les fonctionnaires Turques sont passés maître dans l'art d'inventer des procédures tatillonnes et des formalités interminables dans tous les domaines d'administration publique. L'éducation ne fait pas exception et la démarche de Deniz, qui ne devait prendre que “quelques jours”, n'a pu être achevée qu'après trois semaines. C'est très long trois semaines à Ankara quand on a pas grand chose à y faire. J'ai eu beau dire à Deniz d'insister pour accélérer le processus (à éviter), partir trois jours faire une randonnée à Safranbolu et Kastamonu, j'ai trouvé le temps long. J'ai oublié de profiter du moment présent, à tellement vouloir être “ailleurs”. À notre arrivée à Ankara, Deniz et moi avons même reconsidéré nos plans et nous avons entamé les démarches afin obtenir les visas nécessaires pour traverser l'Iran et le Pakistan, dans l'espoir de nous rendre jusqu'aux Indes par la route, en moto. C'est au même moment que notre brillant premier ministre canadien (que je soupçonne d'être sous la houlette de la communauté juive orthodoxe canadienne) a décidé de fermer l'ambassade du Canada à Téhéran et de mettre à la porte du Canada les représentants iraniens à Ottawa. Encore aujourd'hui je n'ai toujours pas eu de réponse concernant ma demande de visa. C'est sans aucun doute une heureuse coïncidence qu'il me soit impossible d'y aller pour l'instant. Je tiens encore beaucoup à la vie. Le Canada est de moins en moins un pays politiquement tempéré et conciliant. Et si le Québec ne prend pas ses distances (voir se séparer), j'envisage très sérieusement  d'adopter une nouvelle nationalité.
Ismail au travail dans son atelier
Toujours est-il qu'avant de partir d'Ankara nous avions d'ores et déjà décidé de nous expédier à Bangkok par voies aériennes. En attendant que les différentes instances daignent accorder à Deniz sa maîtrise en Phylosophie de l'écologie, j'ai fait la rencontre d'Ismail, un dentiste qui a défroqué pour devenir ferblantier. Cet homme sympathique et rieur m'a fabriqué le réchaud à théière idéal que j'ai eu le temps d'imaginer et de dessiner.
Ismail et moi

À notre retour chez Başar, nous lui avons fait part de nos plans, de notre départ imminent. Il a eu la gentillesse de nous dire que nous partions trop vite, qu'il commençait à peine à s'habituer à notre agréable et joyeuse cohabitation. Ça faisait presque un mois complet que nous squattions sa luxueuse et accueillante demeure. Avant de partir pour Ankara, nous avions fini par dénicher un agent qui avait réussi à mettre cartes sur table et à nous fournir une soumission acceptable, sur une feuille de bloc-note, un petit bureau d'agents que nous avions trouver en se rendant directement au terminal cargo de l'aéroport. À cause de nos nombreuses démarches tout le milieu des “brookers” ainsi que tous les agents de “Turkish Airline” étaient au courant de notre projet. Nous avons fini par comprendre que tous les “brookers” passaient par “Turkish Airline” pour effectuer notre expédition et que le prix final dépendait de la “cote” que prenait les “brookers”.
La fête de départ avec les amis(es)

Başar s'est généreusement offert pour nous aider. Après quelques tentatives pour faire fabriquer les “boîtes” requises par notre agent par des menuisiers locaux, un rapide calcul nous a rapidement permis de conclure qu'il me serait très facile et très très économique de le faire moi-même. Son grand garage mis à notre disposition, il a transporté pour nous les matériaux nécessaires à les pré-fabriquer, nous a trouvé un camion pour transporter tout ça à l'aéroport le jour prévu et nous a même organisé une soirée d'adieux avec les amis(es).
D'un quai à l'autre, la préparation 
Sur l'aire de chargement de la zone cargo à l'aéroport Atatürk d'Istanbul le lundi avant-midi, nous avons mis 3 heures à mettre les deux motos “en boîtes”. Notre agent était impressionné par notre organisation. Tellement qu'ils nous ont gracieusement offert une assiette de kebab sur le coin du bureau au moment de nous remettre les documents nécessaires pour réclamer nos bécanes dans un endroit similaire mais à Bangkok, à quelques milliers de kilomètres plus à l'est.
Nos motos s'envolaient le soir même alors que nous ne partions que le lendemain après-midi. Afin de s'éviter un peu de voyagement on avait pris soin de se poser dans un hôtel tout à côté de l'aéroport. Une dernière soirée sur la rue Iskitlal en compagnie de la maman de Deniz et de Çoşkun, son cousin avec qui je me suis beaucoup lié d'amitié, et nous quittions la Turquie en passant par Dubai, avec à peine le temps de changer d'avion. Au moment du transit à Dubaï, les douaniers(ères) m'interpellent et me signifient que je transporte des objets interdits dans mon sac à dos: un petit ensemble de tournevis de bijoutier acheté en Allemagne que j'apprécie beaucoup, et un dangereux ruban à mesurer. J'ai dû me rendre au poste de police et implorer les agents de faction que les tournevis m'étaient précieux dans la pratique de ma profession, mais que je pouvais me défaire du ruban à mesurer suspect sans conséquence majeure dans ma vie. Malgré cet intermède, nous avons pu rejoindre le quai d'embarquement situé à l'autre extrémité de l'aéroport, sans occasionner de retard. Mis à part ce petit contre-temps, notre expérience avec Emirats fût une des plus agréable de toutes mes expériences avec les divers compagnies aériennes à ce jour, ex-æquo avec Turkish Airlines et Japan Airways. Air Canada fait bien piètre figure par les temps qui courent dans mon palmarès.
Le summum : massage Thaï des pieds pour $3 la demi-heure

Même précaution pour notre arrivée en Thaïlande, le petit hôtel situé à 2 kilomètres du terminal cargo, nous offrait une jolie piscine, une chambre spacieuse et impeccable pour une somme dérisoire. Quelques heures après avoir atterri et dormi un tantinet, nous nous sommes rendus au terminal cargo avec le seul espoir de localiser nos grosses boîtes blanches. Après des débuts qui présageaient de longues et fastidieuses démarches, l'administration Thaï nous a surprise par sa célérité: nous avons pu quitter l'aéroport le jour même avec nos motos complètement exténués, mais tellement heureux. C'est sous les regards admiratifs et impatients des Thaï que nous avons déballé nos fiers destriers et que nous avons ensuite parcouru les 2 petits kilomètres nous séparant de l'hôtel, porté par la douce brise et un sourire béat collé dans la face.
Dio et Deniz

À peine avions-nous posé nos pénates dans un “guest-house” déjà connu de moi, plus au centre, que Deniz avait rejoint un ami Thaï dont elle avait fait la connaissance par l'entremise d'un projet AFS, il y a quelques années. Dio nous a, dès l'instant de notre rencontre, pris en main. Il est d'une attention et d'un serviabilité inespérée. Il habite toujours “chez ses parents”, qui sont tout aussi accueillant que lui. Mon pneu arrière est déjà remplacé et nous avons procédé hier au changement d'huile des deux motos, dans la cour de la maison familiale, à l'ombre, rafraîchi et restauré, comme des invités de marque.
Changement de pneu dans une ruelle sombre de Bangkok

Dio nous a trimballé à travers Bangkok pour trouver absolument tout ce dont nous avions besoin. Deniz avait “besoin” d'un “lap-top”, et moi d'une nouvelle caméra. Il a négocié pour nous les meilleurs prix possibles, nous fait découvrir les meilleurs restos et les succulentes particularités Thaï.
Bien que Bangkok soit une explosion de découvertes, une des plus fantastiques mégapoles de la planète, nous souhaitons partir très bientôt à la rencontre du reste de la fascinante Thaïlande. On a déjà “des amis(es) de la famille” des amis(es)... qui nous attendent au Nord, dont nous sommes impatients de faire la connaissance, des stages de yoga, de méditation auxquels on voudrait bien participé, parcourir ses paysages, rencontrer ses habitants aux sourires contagieux. Les effluves des kiosques qui cuisinent sur la rue, nous ont déjà ensorcelés, la brûlure des épices nous a déjà enfiévrés.
Quelques délices Thaï

Sawatdee Khrap

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